Heureux retour au disque de Kyung-Wha Chung

par
Chung

Jean-Sébastien Bach
(1685 - 1750)
Sonates et Partitas pour violon seul BWV 1000-1005
Kyung-Wha Chung
2016 -DDD - 66’47 et 70’21 - Textes de présentation en anglais, français et allemand - Warner 0190295944162
La première chose à dire concernant ce nouvel enregistrement des Sonates et Partitas pour violon de Bach est qu’il marque le retour au disque de Kyung-Wha Chung, après une longue période d’inactivité consécutive à une blessure à l’index gauche survenue en 2005. Elle recommencera cependant à se produire sur scène en Asie à partir de 2010, et en Europe de 2014. Agée aujourd’hui de 68 ans, la violoniste commente ce retour au disque (elle n’avait plus rien gravé depuis 1992) comme l’aboutissement d’une carrière et même d’une vie. Ayant déjà enregistré les deux sommets de ces cycles, la Deuxième Partita et la Troisième Sonate en 1975 pour Decca, on se demandait si la violoniste allait tenir compte des acquis de l’interprétation de la musique ancienne intervenus depuis lors, comme avait si bien su le faire Isabelle Faust qui il y'a quelques années signait la référence moderne de ces oeuvres (Harmonia Mundi). En fait, cette influence n’est chez Chung que rarement déterminante, même si elle est bien perceptible dans la Sicilienne de la Première Sonate, chaleureuse, chantante et faisant sentir l’esprit de la danse, ou dans l’Andante de la Deuxième Sonate joué sans vibrato et avec un léger « souffle » d’archet, certainement voulu. Ailleurs, son approche -où elle tire le meilleur de son splendide Guarnerius « Rode » de 1734 et de son archet Tourte- peut être qualifiée de chaleureuse et romantique, mais sans excès ni boursouflures. Chung aborde les mouvement rapides avec beaucoup de franchise et d’allant, comme dans la Première Partita où l’Allemande introductive se voit déclamée avec une belle sincérité, et la Courante jouée avec beaucoup d’assurance et d’esprit, les traits rapides étant rendus avec une franche détermination et un véritable souffle épique. Les mouvements lents sont rendus avec chaleur et tendresse. Quant à son traitement de l’écriture polyphonique de Bach, il n’a rien de dogmatique, comme en témoigne la Sarabande de la Première Partita où Chung soigne la polyphonie en se gardant bien d’ « arracher » les accords. Elle déroule la colossale Fugue de la Troisième Sonate avec une autorité tranquille, un vrai sens de la narration ainsi qu’une grande sûreté d’intonation et d’archet dans les passages en doubles et triples cordes, alors que l’Allegro assai qui conclut l’oeuvre est vif et brillant. Il va de soi qu’une violoniste qui s’attaque à ces oeuvres est attendue avant tout dans la grande Chaconne de la Deuxième Partita, indépassable sommet de la littérature de l’instrument. Chung a ici le grand mérite de traiter ce mouvement comme de la musique plutôt que comme un monument devant lequel on ne pourrait que s’incliner. Elle adopte un tempo fluide et allant (13’44) -là où Julia Fischer (Pentatone) met deux minutes de plus, mais Isabelle Faust une de moins- et aborde la musique sans une once de superficialité ou de style « grand violon ». Sa maîtrise technique et musicale impressionne et va de pair avec un vrai sens de la grandeur. Et on appréciera, en guise d’apothéose, son accord final triomphal et d’une irréprochable justesse. En conclusion, on saluera ici une interprétation de très belle qualité même si elle ne bouleverse pas la discographie pléthorique de ces oeuvres.
Patrice Lieberman

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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