Hommage à Kurt Masur, l'Homme et le Maestro

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Kurt Masur - A life for music and peace
Le 19 décembre 2015 nous quittait Kurt Masur à l'âge de 88 ans. Il était né à Brieg, aujourd'hui Brzeg, en Haute-Silésie, actuelle Pologne mais alors territoire allemand.
En 2004, Johannes Forner, longtemps dramaturge en chef du Gewandhaus de Leipzig lui consacrait une copieuse apologie aux Editions Actes Sud. Il connaissait intimement Kurt Masur qui, de 1970 à 1996, soit plus d'un quart de siècle, présida aux destinées du prestigieux orchestre du Gewandhaus fondé en 1781 sur les lieux de la halle aux draps, d'où son nom.

Aujourd'hui, EuroArts propose une série de cinq DVD consacrés au Maestro.
Le premier est consacré à trois documentaires : "The Paceful Revolution and the German Reunification", "Two Cities - One Maestro", "Dicovery Masterpieces" qui résument en quelque sorte les jalons de la vie de Kurt Masur, chantre de la paix et de la musique. Car son rôle fut immense dans l'Allemagne de 1989, offrant son nom et sa renommée -il pouvait voyager à l'étranger comme haut représentant de la culture communiste- aux Lipsiens en les menant à une révolution pacifique sous les voûtes de l'église Saint-Nicolas alors que 70.000 personnes étaient menacées de mort par les para-militaires du régime. Aujourd'hui encore le peuple lui est reconnaissant; il suffit de voir combien le saluent et lui parlent dans les rues de la ville de Saxe marquante dans l'histoire musicale. Dès l'ouverture de la RDA à l'Ouest, il lui fut proposé un rôle politique dans l'Allemagne de la réunification -n'y avait-il pas eu un précédent en Pologne avec Ignace Paderewski qui fut Premier Ministre de Pologne pendant la Grande Guerre. "Quelle déchéance" lui dira Clémenceau- mais il préféra poursuivre sa voie dans la musique. Fin des années 1970, Kurt Masur avait utilisé son nom et son aura auprès de Honecker pour faire construire le superbe nouveau Gewandhaus à l'acoustique exemplaire qui, depuis 1981, fait face à l'opéra.
Le second documentaire "Two Cities - One Maestro" fait des allers-retours Leipzig - New-York où il fut à le chef de l'Orchestre Philharmonique de 1991 à 2002. Ne voulant pas délaisser son chez Gewandhaus, il avait exigé dans son contrat de voyager en Concorde pour pouvoir rapidement traverser l'Océan. A Leipzig encore, Kurt Masur fut à la source de la rénovation de la maison natale de Mendelssohn aujourd'hui devenue un musée. Comme si le Maestro se sentait le devoir de prolonger le passé où ont vécu Bach, Telemann, Schumann, Mendelssohn, Wagner... Le petit film nous montre le chef en répétition au Gewandhaus et au Lincoln Center, les témoignages des musiciens des deux orchestres. A chaque fois, des messages sensibles, emplis de reconnaissance.
Un petit bémol pour ce premier DVD : la notice annonce le concerto pour violon de Mendelssohn lorsqu'on entend l'Apprenti sorcier de Paul Dukas.
Mendelssohn occupe toutefois la grande part des quatre DVD suivants dont trois avec le Gewandhaus et le dernier avec le Verbier Festival Orchestra où l'on sent chez Masur la joie de transmettre à la jeune génération. Au programme, le 1er Concerto pour piano de Mendelssohn avec, en soliste, Yuja Wang, encore habillée à l'époque, mais quel vide expressif au travers d'une virtuosité débridée ! Et pourquoi donner en "bonus" le Petrouchka de Stravinski non dans la version orchestrale attendue mais dans la version piano par le pianiste chinoise ? Je n'ai vraiment pas l'impression qu'elle était la soliste demandée par le chef. Par contre, la 3e Symphonie "Ecossaise" de Mendelssohn nous propose un magnifique orchestre à l'écoute du chef. Il est intéressant de comparer cette version avec celle que Masur donne avec "son" Gewandhaus. Une tout autre sonorité, une direction aussi sûre mais avec plus de souplesse. On apprendra dans ce voyage au coeur de l'art de Masur que 85% des musiciens de l'Orchestre du Gewandhaus sont formés au Conservatoire de Leipzig et là uniquement. On comprend alors ce son, si particulier à l'orchestre, si "européen", pleinement expressif.
Se succèdent encore sur l'ensemble de ce corpus une soirée de gala en l'honneur du chef. Une succession de "tubes" et pas du meilleur choix. On appréciera par contre une vision très personnelle et précise des Tableaux d'une exposition de Moussorgski, la maîtrise et l'expressivité de la 4e Symphonie "Italienne" de Mendelssohn, le concerto pour violon avec Frank-Michael Erben pas toujours en amitié avec la justesse.
L'idée de laisser des traces de ce chef qui a consacré sa vie à la musique et à la paix est excellente. On aurait souhaité à certains moments des programmes mieux choisis.
Bernadette Beyne
EuroArts 2050538

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