Jean-Efflam Bavouzet dans Prokofiev : Fantastique !

par

0126_JOKERSergey Prokofiev (1891-1953)
Intégrale des
Concerti pour piano
Jean-Efflam Bavouzet, piano – BBC Philharmonic, Gianandrea Noseda, direction
2014-DDD-2 CD-CD1 : 74’45’’-CD2 : 46’52’’-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Chandos-Chan 10802(2)
Les cinq Concerti de Prokofiev sont considérés aujourd’hui comme une somme redoutable du répertoire pianistique. En dehors du quatrième pour la main gauche, Prokofiev les créa lui même depuis le piano. L’imagination et la création de ces cinq chefs-d’œuvres s'opèrent entre 1907 et 1932. Tant influencé par l’Empereur de Beethoven ou les Concerti de Grieg, n°2 de Saint-Saëns et d’autres, c’est sans nul doute celui de Rimski-Korsakov, moins populaire, qui obtint toute son admiration. Compositeur pluridisciplinaire, n’oublions pas son talent remarquable pour le clavier, considéré comme l’un des plus grands pianistes de son époque. Style classique pour le Concerto n°1 dont le style romantique prévaut encore (1911-1912). En quatre mouvements, quelques idées nouvelles y fleurissent déjà avant le Concerto n°2 écrit deux ans plus tard et considéré comme le plus difficile. Prokofiev en avait peur lui-même notamment pour la création qui devait avoir lieu à Pavlovsk. Œuvre affectée par le suicide d’un grand ami du compositeur, Max Schmidthof, elle se compose de quatre mouvements sombres, sarcastiques et ironiques. Notons les longues cadences typiques de Tchaïkovski ou encore Rachmaninov dans son Troisième concerto. L’orchestration y est souvent légère et parfois d’une grandeur bouleversante. Ce côté acide se retrouve aussi dans le Concerto n°3 déjà ébauché en 1916 et terminé en 1921 en France. Trois mouvements avec des mélodies russes, un cycle de cinq variations diaboliques dans le style de la gavotte et une ambiance toujours aussi sarcastique. Moins populaire, le Concerto n°4 (1930) est composé à la demande Paul Wittgenstein qui ne l’appréciera pas. Seul concerto que Prokofiev n’entendra pas, les premier et dernier mouvements (Prélude – Postlude) enveloppent les deux mouvements centraux à la fois romantiques et malicieux. D’ailleurs la forme du troisième mouvement est curieusement pensée, comme une forme sonate évitée. En 1932, Prokofiev écrit son dernier concerto qu’il crée sous la baguette de Furtwängler à Berlin. Initialement nommée « Musique pour piano et orchestre », notamment pour la place plus importante laissée à l’orchestre, quatre mouvements se dessinent, allant de la danse à un lyrisme poignant avec un florilège d’idées souvent rompues.
Enregistrer l’intégrale des Concerti de Prokofiev est une épreuve redoutable mais passionnante, nécessitant une force musculaire redoutable et une compréhension du langage immédiate. Jean-Efflam Bavouzet en offre une lecture fabuleuse : excellente maîtrise des registres, technique redoutable et une compréhension évidente de la forme. Le pianiste offre de beaux contrastes et une énergie naturelle. Que ce soit dans les passages dynamiques ou plus expressifs, chacun y trouve son compte : finesse des nuances et attaques, expressivité naturelle, ambiance sarcastique, sensation de mal-être... Gianandrea Noseda, un habitué du style, l’accompagne avec attention et dirige le BBC Philharmonic d’une main de fer. Quelques effets (comme le premier mouvement du Second concerto) sont bouleversants et captivants. Archets précis, finesse dans la structure des phrases et dynamiques fascinantes. Bref, une intégrale qui peut se placer au panthéon des meilleures versions enregistrées.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

 

 

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