L'enquête sur Charles Dutoit est non concluante. Mais encore ?

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Charles Dutoit, on s'en souvient, a été écarté de l'Orchestre Symphonique de Montréal après deux plaintes pour harcèlement sexuel dans les semaines qui ont suivi le déclenchement de "l'Affaire Weinstein".
Presse et réseaux sociaux se sont chargés d'assurer à l'événement le retentissement que l'on sait, et plusieurs orchestres ont eux aussi mis fin à leur collaboration avec le chef. Rappelons que Charles Dutoit rejette en bloc ces allégations qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de justice.

La direction de l'OSM s'était expliquée et avait annoncé l'ouverture d'une enquête interne : celle-ci serait menée par une experte en matière de harcèlement sexuel au travail et indépendante pour assurer la fiabilité du processus et de ses conclusions.

C'est désormais chose faite et les "conclusions" ont été rendues publiques.
Voici ce qu'on en sait aujourd'hui.
Après avoir rencontré ou communiqué avec les plaignantes "à plusieurs reprises", l’enquête de l’experte n’aurait pas permis "de consigner d’informations suffisantes en rapport avec des allégations de harcèlement sexuel", indique l’OSM dans un communiqué. Les deux plaignantes n’auraient pas souhaité donner suite à leurs plaintes, ne jugeant pas opportun de fournir de déclarations formelles relatives à leurs allégations, écrit l’orchestre. Le processus d’enquête interne a donc pris fin à la mi-octobre.

Toujours selon l’OSM, l’experte indépendante a mené son enquête sur le modèle du Code de conduite de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, tout en s’inspirant d’un guide rédigé par le Barreau du Québec. Et Madeleine Careau (direction de l’OSM) d'ajouter : Nous compatissons sincèrement avec les deux plaignantes qui ont finalement décidé de ne pas donner suite à leurs plaintes pour des motifs qui leur appartiennent en propre. Nous respectons ce choix personnel et accueillons avec considération le travail réalisé par l’experte indépendante.

L’experte indépendante a par ailleurs fait des recommandations à l’OSM pour optimaliser sa politique en matière de harcèlement au travail et l’OSM a fait savoir que la nouvelle proposition sera discutée avec la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec puis sera soumise au comité de direction de l’orchestre. Elle est destinée à
- protéger du harcèlement tous les musiciens, les artistes invités et les membres de l'administration pendant et hors des heures normales de travail ;
- définir celui-ci comme "l'exercice de pouvoirs ou de l'autorité de manière abusive et moralement contraignante" ;
- clarifier les modalités de dépôt et de traitement des plaintes.

Nous devons prendre acte des résultats des travaux de l’enquêteuse et en tirer les enseignements qui s’imposent en adoptant une nouvelle politique, renforcée et élargie, ajoute Madame Careau. Cette nouvelle politique sera alignée sur les meilleures pratiques et sur le principe de la tolérance zéro en matière de harcèlement, quelle qu’en soit la forme. Et l’OSM compte inclure une clause dans le contrat de son prochain directeur musical [NDLR : qui succédera à Kent Nagano en 2020] l’engageant à respecter la politique de prévention en matière de harcèlement au travail et de discrimination. La même clause sera insérée dans les contrats des artistes invités et de tierces parties, comme les fournisseurs de biens et services.

Aucun de nos lecteurs ne fera grise mine devant ces déclarations et ces dispositions rigoureuses qui sont tout à l'honneur de l'institution. Mais ce qui nous gêne et que la direction de l'OSM n'aborde à aucun moment, c'est la situation actuelle : Charles Dutoit a donc été écarté sans ménagement d'un poste qu'il occupait depuis plus de 15 ans pour des faits que l'enquête n'a pas pu établir. Il est des silences qui pèsent fort lourd...

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