Kaufmann Wagner : Le rêve !

par

0126_JOKERRichard WAGNER (1813-1883)
Jonas KAUFMANN ténor
Orchester der Deutschen Oper Berlin
direction Donald RUNNICLES

2013-DDD-74'21- livret texte en anglais, français, allemand -chanté en allemand-  « In fernem land » ( récit du Graal) Lohengrin version originale sans coupure
DECCA 4785189

On le savait déjà, Jonas Kaufmann est aujourd'hui l'un des plus grands chanteurs de la planète. Mais ici, il se surpasse. Tout est sublime : le timbre, la diction, le souffle ( les deux « Wälse, Wälse - 1- qui semble durer une éternité- sans effort, d'une intensité qui semble toujours naturelle). Poète, il investit et cisèle chaque mot sans qu'on s'en aperçoive- parce que sa voix vient d'un autre monde. Du paradis sans doute. Ajoutons que c'est un merveilleux « diseur ». Inutile de suivre le livret. Sans afféterie, avec une prononciation impeccable, il livre son message, droit au cœur car son inspiration est vraie et son art du bel canto totalement intériorisé. Et comme ses deux portraits de la pochette sont éloquents : dans l'un il éblouit, entraîne, survolte. Dans l'autre c'est lui qui plonge en lui-même, pénètre la poésie et la musique pour mieux nous la faire vivre. Sa voix semble sortir d'une ombre innommée lorsqu' il commence le récit du Graal -6- pour se déployer, s’enflammer sur le mot « Graal » onze vers plus loin... Tandis qu'il chante juvénile avec le soleil, les feuilles, l'oiseau dans Siegfried, éblouissant « der lustige Tag », enfiévré dans « Meine Mutter sehen ! », torturé lorsque le pardon lui est refusé – ce qui nous vaut un désespérant « Erlösung niemer dir erblühn ! ».
Comme l'observe l'interprète lui-même dans la présentation, le texte des Wesendonck-Lieder  « ne comporte aucune référence au sexe du « narrateur » à la différence de L'Amour et la Vie d'une femme de Schumann ou du Voyage d'hiver de Schubert... alors, pourquoi un homme ne pourrait-il chanter cela ? ». Et comme il a raison ! De « Meinem Geist nun himmelswärts » ( mon esprit maintenant aux cieux!) à « keinen Wunsch merh will das Inn're zeugen » (l'âme n'a plus de vœu à enfanter) en passant par « Im Treibhaus », étude pour Tristan et Isolde, avec ces moments de grâce « Unsre Heimat ist nicht hier ! » ou encore « Muss die Sonne sebst verzagen » de « Schmerzen » pour rejoindre un  « Traüme » suspendu entre ciel et terre. Ici, la ligne poétique, le naturel coulent de source, émanation suprêmement musicale d'une poésie vécue.
Trêve d'enthousiasme : tout est parfait. L'orchestre, le choeur, le chef Donald Runnicles et bien sûr… Jonas Kaufmann qui excelle non seulement dans les répertoires français (Werther), italiens, allemand mais se révèle, ici sans le secours de la scène, fabuleux interprète wagnérien !
Bénédicte Palaux Simonnet

son 10-livret 10- répertoire 10- interprétation 10

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