La Belgique à l’honneur à Lille !

par

Victoria Borisova-Ollas (1969) : Open ground
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour violon et orchestre, en ré majeur, op.61
Paul Hindemith (1895-1963) : Symphonie « Mathis der Maler »
Orchestre National de Belgique, Andrey Boreyko, direction – James Eynes, violon
Se déplacer à l’étranger est-il un bien fait pour les orchestres ? Etant donné l’excellence du concert de ce soir à Lille et celle de l’Orchestre Philharmonique de Liège en janvier dans la même salle, cette hypothèse peut s’envisager.

Ou est-ce alors l’excellente acoustique du Nouveau Siècle qui contribue à cette élévation ? Quoi qu’il en soit, l’Orchestre National de Belgique se déplaçait samedi dans le nord de la France pour présenter un programme riche et varié. Andrey Boreyko débute avec une lecture inspirée de Open Ground de Victoria Borisova-Ollas. Née en 1969, cette compositrice russe propose une œuvre chaleureuse et évocatrice d’une multitude de sons, bruits… Son langage est sensible, nouveau et trouve une place extraordinaire dans la salle du Nouveau Siècle. Ecrite en 2006, la pièce s’inspire du livre de Salman Rushdie The ground beneath her feet, ouvrage publié en 1999. Le roman relate la relation entre un musicien et une rock star indienne. Basé sur le mythe d’Orphée, la musique expose d’une manière brillante un soupir des entrailles de la terre qui se développera tout au long de l’œuvre avant le dernier soupir. Le matériau orchestral est rudement bien exploité, principalement pour les cordes. Dynamiques poétiques pour les bruissements et impulsives pour les passages énergiques. Le directeur musical de l’ONB conduit la pièce avec brio et précision. Le sens de la structure et de l’orientation semble être aboutie tandis que chaque inflexion mélodique est modelée avec élégance. Fin de la première partie avec l’unique Concerto pour violon de Beethoven. Niveau très élevé ce soir pour l’orchestre comme brillant accompagnateur. Boreyko idéalise chaque harmonie, chaque section et parvient aisément à contrôler les masses orchestrales pendant les incises du soliste. James Ehnes propose dans chaque mouvement un son proche de la perfection. Coups d’archets cohérents, justes sans à-coups. Accents dramatiques sans vulgarité pour le premier mouvement où les vents dépassent très légèrement à certains endroits sans empiéter sur la qualité poétique des cordes. Tant la virtuosité que la musique font de Ehnes un musicien complet. Se libérant des difficultés techniques, il conduit sa partie avec intelligence accordant à chaque note une attention particulière. Ravissement pour la première cadence. Le retour de l’orchestre se fait dans un climat si expressif que le public reste coi. Le second mouvement, aux contours mélodiques expressifs, respire de la même manière. Très beau dialogue avec l’orchestre qui parvient toujours à trouver le juste milieu entre les tutti et les parties d’accompagnement. Actif et dansant, le troisième mouvement est éclairé, dans un tempo adéquat. La virtuosité prime ici sans oublier les qualités expressives de Ehnes. En bis, le Largo de la Troisième sonate pour violon de Bach ponctue cette première partie avec envoûtement. En seconde partie, la Symphonie Mathis der Maler est interprétée avec la même énergie. Inspirée de l’opéra du même compositeur, c’est l’histoire du peintre Matthias Grünewald qui est évoquée. Chaque mouvement est issu de l’opéra et porte le nom de plusieurs panneaux du retable d’Issenheim (1512-1516). Concert d’anges débute maladroitement mais les sonorités proposées sont excellentes. Dès la partie rapide, la précision des cuivres, coups d’archets et coupures rehaussent la qualité générale. Tutti magistraux dirigés par un chef à l’écoute de ses musiciens. Un chef qui respire et fait primer la mélodie et toutes les constructions thématiques. Enchaînements de contrastes pour la Mise au tombeau est un, parfois surprenants. Maîtrise parfaite des transitions, son homogène et métrique stable. Enfin, La Tentation de saint-Antoine débute par un récitatif vivant grâce à une battue précise. La partie rapide est impressionnante tant par la constante maîtrise du tempo que par le rapport entre dynamiques et nuances. L’Alleluia final est glorieux, les cuivres prenant le temps de respirer entre chaque incise. Invité régulier de l’ONL, l’orchestre semble être à l’aise et exploite chaque angle de la salle. Excellente prestation donc ce soir de l’ONB à Lille dépassant largement nos attentes.
Ayrton Desimpelaere
Lille, Nouveau siècle, le 22 février 2014

 

Les commentaires sont clos.