La commedia è finita

par
Cavalleria rusticana

Avec la dernière réplique de « Pagliacci » : « La commedia è finita » l’Opéra National du Rhin clôturera le 25 juin la saison 2016-17 et aussi la direction artistique du Belge Marc Clémeur qui dirigea l’ONR pendant huit ans. Devenus les « jumeaux véristes » quasi inséparables « Cavalleria rusticana » de Mascagni et « Pagliacci » de Leoncavallo avaient généralement quand même conservé leur individualité.

Mais depuis quelques années les metteurs en scène essaient de combiner les deux histoires, bien qu'originellement situées dans des lieux et époques différentes. C’est aussi le cas de Kristian Frédric qui présente les deux opéras sous le titre commun de « Les labours de la souffrance » (projeté en grandes lettres sur le rideau noir) et emploie même l’entracte pour faire la liaison (bruyante) entre les deux œuvres situées par lui en 1950 et 1978 (avec le contexte politique – brigades rouges et assassinat d’Aldo Moro- en plus !).
« Cavalleria » est situé dans un cadre assez piteux où alcool et sexe jouent un rôle (trop) important et la mafia est clairement présente (personnage de Alfio). En « Pagliacci » les minables baraques en tôle ont fait place à des immeubles uniformes de béton aussi déprimants (décors Bruno de Lavenère). Kristian Frédric est apparemment tellement obsédé par son concept qu’il lui sacrifie même un déroulement logique de l’action, veut souvent en faire trop et ne tient pas compte des indications du livret, ni de la dramaturgie musicale. Mais c’est une tendance malheureusement très fréquente des metteurs en scène actuels qui s’essaient à l’opéra ! Par contre, il faut avouer que les personnages étaient assez bien dessinés bien que l’on peut se demander si une Lola, tellement femme fatale, peut encore compter sur la compassion des femmes du village et s’il faut voir en Silvio le fils de Santuzza et Turiddu.
Pas de réserves pour la direction musicale de Daniele Callegari et la prestation de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg qui ont donné vie et couleur aux drames sans tomber dans des excès sonores ou interprétatifs. Callegari dirige avec une rigueur exemplaire tout en mettant en valeur les qualités dramatiques et les couleurs typiques des partitions et l’orchestre le sert admirablement.
Les chanteurs s’intègrent bien dans le concept et présentent leurs personnages comme conçu par Frédric, déshabillements inclus. Stefano La Colla nous présente d’abord un Turiddu assez falot, homme sans grand caractère,finalement dépassé par les évènements, puis un Canio possessif, violent mais pitoyable avec une voix claire, puissante et une déclamation bien contrôlée. Géraldine Chauvet donne émotion, passion et une voix chaude à Santuzza. Stefania Toczyska est une Mamma Lucia d’une grande dignité et belle présence vocale et Lamia Beuque une Lola séductrice. Elia Fabbian change de patron mafioso, un Alfio plein d’allure dans « Cavalleria rusticana », en comédien médiocre et homme frustré et lubrique dans « Pagliacci » deux rôles auxquels il prête son baryton souple et d’une belle couleur. Brigitta Kele donnait sensualité et un soprano souple à Nedda, Vito Priante campait un Silvio convaincant mais Enrico Casari peinait en Beppe. Bonne prestations des choeurs tant vocalement que scéniquement.
Erna Metdepenninghen
Strasbourg, Opéra National duRhin, le 15 juin 2017

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