La création mondiale de "Sublimation" de Toshio Hosokawa

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Pour ce premier soir des finales de la première édition du Concours Reine Elisabeth consacrée au violoncelle (et il faut dire que le choix de cet instrument paraît à ce point aller de soi qu’on en vient à se demander comment il se fait qu’on n’y ait pas pensé plus tôt), les organisateurs avaient eu l’excellente idée de convier au préalable les représentants de la presse à une présentation de l’oeuvre inédite, dont l’apprentissage imposé en huit jours de temps aux finalistes à toujours constitué l’une des originalités -et des difficultés- du Concours.
Commençons d’abord par féliciter les responsables du Concours Reine Elisabeth d’avoir commandé cette oeuvre au grand compositeur japonais Toshio Hosokawa, musicien majeur de notre temps. La présentation se fit en présence du compositeur, du chef d’orchestre Stéphane Denève et du président du jury (particulièrement prestigieux cette année) Arie Van Lysebeth. Cette prise de contact se fit par la remise aux journalistes de la partition d’orchestre et l’écoute d’un enregistrement où se joignait au Brussels Philharmonic (pionnier, soit dit en passant, de l’adoption de dénominations anglaises par les orchestres belges, puisqu’il a été rejoint par l’Antwerp Symphony Orchestra -ci-devant deFilharmonie- et l’Orchestre national de Belgique devenu le Belgian National Orchestra) et à son chef, le violoncelliste Geert De Bièvre qui aurait appris la partition en un jour. Chapeau.
Comme allait le confirmer l’audition dans la salle, Sublimation -car tel est son nom- est une oeuvre de grande qualité. Outre, comme on pouvait s’y attendre, un beau catalogue de difficultés techniques (doubles cordes, harmoniques, pizzicati, gammes en trémolos, glissandi, subtilités rythmiques), Hosokawa nous a livré une très belle musique au fort caractère d’élégie. Dans ce morceau d’une durée d’environ quatorze minutes, l’auditeur trouvera des couleurs orchestrales assez sombres, des sonorités minérales et compactes et surtout cette hauteur de pensée qui font beaucoup penser au Sibelius de la Septième symphonie et de Tapiola. Voilà certainement une musique qui est bien autre chose qu’un simple "imposé" de concours et qui mériterait certainement d’être entendue au concert, même si sa longueur -ou plutôt sa brièveté- inhabituelle ne facilitera pas la tâche de ceux qui la programmeraient. A l’issue de l’écoute de l’enregistrement, le compositeur répondit avec la modestie qu’on lui connaît aux questions des journalistes et expliqua qu’il voyait le violoncelle soliste comme la voix masculine d’un être humain s’exprimant face à un orchestre représentant la nature. Et à l’auteur de ces lignes qui lui demandait s’il avait pensé au côté concours en écrivant Sublimation, il répondit qu’une oeuvre qui allait être écoutée douze fois de suite avait intérêt à être vraiment très bonne. Et on ne se trompera pas en disant que tel est bien le cas.
Patrice Lieberman

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