La finesse de Jonas Vitaud dans Tchaïkovsky

par

Piotr Ilitch Tchaïkovsky
(1840 - 1893)
Les saisons, Op. 37a – Grande Sonate en sol majeur, Op. 37
Jonas Vitaud, piano£2016-DDD-74’-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Mirare-Mir308

Bien souvent, une œuvre, un répertoire, un style font d’un musicien un artiste cultivé, mature et doué d’une réelle personnalité. Et plus encore, une rencontre décisive fait de vous un être dont la franchise et la sincérité se dévoilent dans votre parcours artistique. C’est un peu ce que l’on ressent à l’écoute du dernier disque du pianiste Jonas Vitaud dont on apprend que la musique symphonique de Tchaïkovsky le berçait durant l’enfance. Ce n’est qu’au Conservatoire de Paris auprès de la regrettée Brigitte Engerer que Jonas Vitaud découvre la richesse du répertoire pour piano. Il est vrai que la musique pour piano de Tchaïkovsky ne figure pas souvent au programme de nos salles de concert où le répertoire symphonique y est préféré. Pourtant, qui peut dire que la musique pour piano de Tchaïkovsky manque d’originalité, d’innovation ou de contrastes ? Le témoignent notamment Les saisons, douze miniatures à usage pédagogique composées entre novembre 1875 et mai 1876 à la demande de l’éditeur du mensuel russe Nouvelliste. Adjoignant à chaque fois une épigraphe poétique empruntée aux auteurs russes, Tchaïkovsky dessine ces pièces en fonction des mois de l’année où se succèdent de nombreuses atmosphères, ambiances empruntées au folklore russe... A l’inverse et non sans difficultés pour le compositeur qui n’en n’est pas à sa première tentative, la Grande Sonate en sol majeur se caractérise par quatre mouvements vastes dont l’écriture, plus orchestrale, s’inspire volontiers de différents styles, genres tels que le folklore russe ou l’opéra, et qui nous rappelle à plusieurs reprises le langage schumannien.
Après deux disques salués par la presse (Brahms-Dutilleux/Liszt), Jonas Vitaud offre ici un enregistrement d’une rare intimité. Doué d’un sens très développé de la ligne mélodique grâce à la finesse de l’accompagnement, le pianiste ne rentre à aucun moment dans le piège du sentimentalisme exacerbé. C’est davantage la simplicité, le naturel et le respect des indications dynamiques de Tchaïkovsky que soulignent le jeune pianiste. Dans Les Saisons, on retiendra la maîtrise du rubato, le timbre doux et calme en « Janvier », la variété de dynamiques en « Mars », la délicatesse en « Mai » ou encore l’exceptionnel intériorité du mois d’« Octobre ». Ici, pas d’effusion de dynamiques (notamment les nuances fortes) mais davantage un travail d’orfèvre sur la qualité des pianissimos, pianos… La Sonate quant à elle coule naturellement sous les doigts de Jonas Vitaud qui, comme le souhaitait Tchaïkovsky, n’hésite pas à installer une multitude de couleurs et dynamiques proches des sonorités de l’orchestre. On notera enfin ce souffle infatigable, cette construction aboutie et cette puissance d’expression qui font de cet enregistrement une belle source d’inspiration.
Ayrton Desimpelaere

Son 9 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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