La lumineuse époque de Maria Joao Pirès chez Erato

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0126_JOKERNée à Lisbonne le 23 juillet 1944, Mario Joao Pirès fête cette année ses 70 ans, raison pour laquelle le label Erato, rené de ses cendres il y a un an à peine, réédite aujourd'hui en 17 CD le parcours de quinze années de la pianiste pour ce label qui connut ses heures de gloire sous la direction artistique de Michel Garcin. Ce parcours de la pianiste est en fait assez étrange et nous ramène à des valeurs essentielles: des professeurs qui veulent faire de ce petit bout de bonne femme qu'ils ressentent profondément musicienne l'égal des virtuoses aguerris formatés par les "Grandes Ecoles"; une jeune pianiste qui se rebelle au Portugal et rejoint Munich où elle va travailler avec Rosl Schmidt. Mêmes problèmes, mêmes soucis, profond malaise. Mais il y a un dieu pour les profondément musiciens : il s'agira ici de Wilhelm Kempff qui découvre en la jeune Pirès un peu de lui-même. Il la prend sous son aile et la conforte dans l'idéal qui la porte: l'essentiel de la musique se cache derrière les notes, elle est une voie vers la spiritualité. C'est à Hanovre qu'elle affermira ses certitudes avec Karl Engel. Engel, Kempff, Lipatti, Haskil,... c'est à ces musiciens que peut s'unir la jeune portugaise. On la découvre à Bruxelles, en 1970, où elle obtient le premier prix du Concours Beethoven organisé à l'occasion du bicentenaire de sa naissance. A Paris, il y avait Michel Garcin, directeur artistique d'un label qui alors s'intéressait surtout à la musique ancienne avec Claudio Simone, Marie-Claire Alain, Robert Veyron-Lacroix, Michel Corboz,... Pas de pianiste chez ce florissant label. Depuis son prix au Concours Beethoven, Michel Garcin suivait la jeune pianiste. Elle venait d'enregistrer chez Denon l'intégrale des Sonates pour piano de Mozart réédité aujourd'hui chez Brilliant Claasics. En 1973, il se décide. Ce sera pour du Mozart afin de poursuivre la ligne du label; en concerto avec l'Orchestre Gulbenkian et Michel Corboz ou Theodor Guschlbauer, I Solisti Veneti et Claudio Scimone, l'Orchestre de Chambre de Lausanne et Armin Jordan... Treize concertos en quatre ans. Ligne du label encore, les Concertos de Bach (BWV 1052, 1055 et 1056) avec Michel Corboz. En 1975, des Sonates de Beethoven (op. 57, 31 n°2, 27 n°2, 110, 13, 109) suivies de Chopin (Préludes, les deux concertos). Au milieu des années '80, des Sonates de Mozart qu'elle enregistrera encore 30 années plus tard pour DG, les Valses de Chopin, des Sonates de Schubert dont des pièces à quatre mains avec le pianiste turc Hüseyin Sermet tout fraîchement issu du Concours Reine Elisabeth de Bruxelles (8e Prix en 1983) et trois oeuvres de Schumann (Kinderszenen ainsi que Waldszenen et Bunte Blätter plus rarement joués et enregistrés). C'est donc tout un capital que nous livre ici Erato avec l'entièreté des enregistrement réalisés pour le label entre 1972 et 1987. On l'avait un peu oublié; on le retrouve ici dans toute sa séduction : luminosité du son reconnaissable entre tous, simplicité des lignes mélodiques, intensité des silences, une pianiste qui parle vrai. Un bémol toutefois, mais il va à la technique : la qualité de son des parties orchestrales aurait vraiment pu être améliorée. Bernadette Beyne Son 7,5 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

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