La rencontre de deux reines

par

Maria Stuarda au Teatro Filarmonico de Vérone
Depuis huit ans, Mariella Devia s’est imposée sur les grandes scènes italiennes comme "la" Maria Stuarda du moment. Aujourd’hui, à près de soixante-six ans, le timbre a perdu les raffinements de son émail, la ligne de chant, un peu de sa souplesse ; mais son intelligence musicale hors pair sait puiser dans les ressources intarissables de son phrasé pour susciter une indicible émotion dès son apparition au deuxième acte ; et sa scène finale, menée de main de maître, restera gravée dans les mémoires. Face à elle, Sonia Ganassi est tout aussi impressionnante en campant une Elisabeth Ière dévorée par la jalousie, usant de ses grands moyens de soprano dramatique pour en révéler le caractère impérieux. Dario Schmunck a la couleur claire du ténor lyrique sans dégager la nostalgie désespérée de Leicester, alors que Marco Vinco a la grandeur compatissante de Talbot, qualité qu’affiche indéniablement l’Anna de Diana Mian. Et Gezim Myshketa personnifie un Cecil aussi autoritaire que sinistre. Préparé par Armando Tasso, le Chœur des Arènes de Vérone exhibe un raffinement inouï dans le dernier tableau ; et l’Orchestre dirigé par le jeune Sebastiano Rolli a le mérite de soutenir le plateau vocal sans forcer le trait. Quant à la production de septembre 2002, empruntée au Teatro Donizetti de Bergame, elle consiste en de somptueux costumes historiques conçus par Manuel Pedretti, alors que l’espace scénique est dominé par un gigantesque cube noir, concrétisant à la fois la prison de la reine d’Ecosse et l’obsession de sa rivale qui, à aucun moment, ne peut oublier l’existence de Maria. Et la mise en scène de Federico Bertolani souligne ce lien sado-masochiste, en juchant le trône d’Elisabeth sur le cachot, ce qui permet son omniprésence jusqu’à la chute du rideau. Il est vrai que, sur la durée de tout le spectacle, l’on ne fixe l’attention que sur les deux souveraines.
Paul-André Demierre
Vérone, le 6 avril 2014

 

Les commentaires sont clos.