"La somme" Henri Dutilleux

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En 1997, les Editions Actes Sud publiaient un petit ouvrage Dutilleux, "Mystère et mémoire des sons", une série d'entretiens avec Claude Glayman.
A l'occasion du centième anniversaire de la naissance du compositeur -il est né le 22 janvier 1916 à Angers alors que son père se bat sur le front de Verdun- l'éditeur lui consacre une somme de 1768 pages en papier bible de la plume de Pierre Gervasoni, bien connu des lecteurs du Monde où il est critique musical depuis vingt ans cette année et qui s'est attelé pendant sept années à l'élaboration de la tâche. Il ne faut pas s'attendre ici à une analyse de l'oeuvre; c'est l'homme qui intéresse l'auteur. Celui qui nous a quittés à 93 ans après 80 années d'activité compositionnelle à l'abri de l'appel des sirènes de son temps pour devenir et rester un des plus grands compositeurs du XXe et du XXIe siècles; un homme dans la vie, en dialogue avec la vie artistique et la vie tout court. Pour réaliser cette gageure, l'auteur s'est glissé dans la peau des personnages dont il parle, il place les faits en contexte au point qu'à la lecture, on s'imagine parfois au coeur d'un roman si ce n'est qu'ici tous les faits sont totalement avérés, ce dont témoigne l'abondance des notes (155 pages). L'auteur a compilé tout ce qui pouvait l'être : faits, coupures de presse, témoignages, lettres conservées dans les archives publiques et dans le fonds personnel de Dutilleux. On vit alors le parcours presque centenaire d'un homme, la familiarité avec la peinture, les premiers pas avec Victor Gallois, le parcours au Conservatoire de Paris, le Prix de Rome qu'il obtient en 1938 avec L’Anneau du roi, la consécration internationale qui suit le seconde guerre mondiale, les années de radio, les musiciens qu'il reçoit chez lui, les rencontres, la recherche spirituelle, les épisodes rocambolesques, les propos parfois peu amènes et tranchants, témoins de la haute exigence du compositeur, les commandes, les retards aussi, la maladie... tout un siècle qui se vit sous la plume dynamique de Pierre Gervasoni. Cette somme s'accompagne d'une bibliographie et d'une mention des sources, d'un index des oeuvres et des noms. Un petit bémol : ce dernier ne mentionne que les noms régulièrement cités alors qu'ils sont très nombreux -même des plus inattendus- à défiler au cours de ces presque 1800 pages, parcours d'un siècle. Néanmoins, un ouvrage qui fera date.
Bernadette Beyne
2016, Editions Actes Sud/Philharmonie de Paris, 1768 pages, 49 euros

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