La Traviata : ouverture de saison mi-figue mi-raisin

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La Scala de Milan a connu toutes sortes de péripéties le 7 décembre, jour de fête de Saint Ambroise, patron de la ville de Milan. L’année 2013 n’échappe pas à la règle, avec un ‘loggione’ huant le metteur en scène Dmitri Tcherniakov et le chef d’orchestre Daniele Gatti et accueillant fraîchement la prestation du ténor Piotr Beczala. Le premier objet de contestation est, comme l’on pouvait s’y attendre, la mise en scène et les décors du jeune russe Dmitri Tcherniakov. Le premier acte a pour cadre un salon bourgeois au coloris glacial où Violetta, vêtue d’une robe de soirée de mousseline bleue, essaie une parure de diamants devant son miroir ; débouche une foule d’invités aux costumes les plus excentriques (conçus par Yelena Zaytseva), la laissant curieusement en compagnie d’une Annina omniprésente tout au long du spectacle. Quel prosaïsme se dégage du tableau de campagne, avec sa cuisine et son vaisselier, reléguant en fond de scène la rencontre cruciale entre Violetta et le père d’Alfredo et faisant d’elle une hystérique alors qu’elle étreint désespérément son amant. Le bal chez Flora qui, pour la circonstance, arbore une coiffe de cheyenne, est peuplée d’une ‘ménagerie’ de marginaux qui transforment l’intervention des bohémiennes et des matadors en une menace à l’encontre d’Alfredo, présent dès le début de la scène, puis ayant à ses pieds sa maîtresse qui tente de le récupérer. Le dernier acte nous fait retrouver le cadre initial où ne restent que le miroir, quelques chaises et un duvet blanc que délaisse par instants Violetta, s’enivrant des fonds de flacon. Face à son Alfredo revenant avec des fleurs et des petits gâteaux, comment croire à sa mort sur une chaise, alors qu’elle semble si bien portante ? Il faut dire que la direction de Daniele Gatti n’arrange guère les choses par sa lourdeur souvent bruyante qui gomme toute émotion, même si le Chœur (préparé par Bruno Casoni) et l’ Orchestre de la Scala ont une qualité irréprochable, qualificatif qui touche aussi tous les seconds plans, dont se détache l’Annina aux cheveux rouges de Mara Zampieri, à la présence indéniable. Et c’est aussi par la présence dramatique que s’impose le Giorgio Germont du baryton Zeliko Lucic, au timbre si ordinaire et qui ne possède pas la moindre notion de la ligne de chant verdienne. Piotr Beczala, fringant Alfredo, se contente d’exhiber le beau coloris de sa voix de ténor dans un perpétuel ‘forte’ qui devient vite lassant. Reste Diana Damrau aux prises avec ce rôle écrasant de Violetta, dont elle a indéniablement les moyens et une musicalité qui lui fait rechercher constamment les contrastes de phrasé ; peut-être est-elle encore trop ‘verte’ pour un personnage dont la pratique lui donnera assurément la maturité. Mais, au moins, elle chante !
Paul-André Demierre
Milan, La Scala, le 15 décembre 2013

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