Lakmé... aux ailes d'or

par

Gerald (Julien Dran), Lakmé (Sabine Devieilhe) © Christian Dresse (Opéra de Marseille)

« Ô fantaisie aux ailes d’or ! » chante Gérald, le militaire anglais, quand il découvre les bijoux que Lakmé a enlevés et voit « la fille de son caprice » se dresser devant ses yeux. Fantaisie il faut sans doute aussi avoir aujourd’hui pour entrer dans le monde de « Lakmé » cet opéra de Léo Delibes créé à l’Opéra- Comique de Paris le 14 avril 1883 avant d’entamer une éblouissante carrière nationale et internationale. Car ce genre d’histoire avec son élément pittoresque, inspiré par le goût de l’exotisme du 19e siècle, peut être considéré de nos jours comme assez puéril et naïf. Mais le livret de Edmond Gondinet et Philippe Gille d’après « la Mariage de Loti » de Pierre Loti a bien inspiré Delibes à écrire une partition ravissante et expressive d’une grande inspiration mélodique avec de belles touches de couleurs orientales et harmoniques, jamais vulgaire et toujours bien orchestrée . Et puis il y a les  « tubes » : « Où va la jeune Hindoue », l’air des clochettes de Lakmé, aimé et enregistré par des sopranos coloratures célèbres, l’air de Nilakantha « Lakmé, ton doux regard se voile » que les barytons-basses aiment interpréter et le duo de Lakmé et Mallika « Dôme épais » devenu très populaire grâce à son emploi dans des publicités commerciales. Et « Lakmé » reste donc à l’affiche, moins fréquent qu’autrefois mais réapparaît quand une nouvelle interprète se présente comme la soprano française Sabine Devieilhe qui incarne la jeune fille indienne depuis quelques années. Elle était aussi à l’affiche à l’Opéra de Marseille qui, pour l’occasion, a repris la production de Lilo Baur pour l’Opéra de Lausanne et l’Opéra-Comique (scénographie Caroline Ginet, costumes Hanna Sjödin, lumières Gilles Gentner, chorégraphie Olia Lydaki).
C’est une mise en scène simple et sobre avec un minimum de décors, pas toujours très réussis et changés à vue, une belle chorégraphie et des costumes discutables surtout pour les Anglais de l’histoire. Mais la direction d’acteurs est assez convaincante et la distribution peut nous faire croire aux personnages et leurs élans. Et surtout les chanteurs défendent la partition avec ardeur et une belle projection et interprétation du texte. En premier lieu Sabine Devieilhe qui peut sans problèmes nous faire croire à Lakmé, cette fille de brahmane, jeune, obéissante et naïve qui découvre l’amour, voit son rêve brisé et se sacrifie pour l’homme qu’elle aime. Avec son soprano étendu, homogène et brillant aux coloratures virtuoses, son chant plein de nuances et son jeu naturel elle donne vie au personnage et séduit et émeut le public. Julien Dran campe un Gérald élégant, enchanté et fougueux et chante avec vigueur avec sa voix étendue et bien conduite mais on aimerait un son avec plus de couleur et de moelleux. Nilakantha trouve un interprète sans faille dans Nicolas Cavalier qui lui donne autorité et une voix de bronze. Majdouline Zerari est une belle Mallika et sa voix se marie bien avec celle de Sabine Devieilhe dans le fameux duo des fleurs. Marc Scoffini donne du caractère et un baryton expressif à Frédéric. Anaïs Constant prête son soprano clair à Ellen, bien entourée pars Emmanuelle Zoldan (Rose) et Cécile Galois (Miss Bentson) et Loïc Félix est un Hadji dévoué. Bonnes prestations des chœurs et de l’orchestre de l’Opéra de Marseille dirigé par Robert Tuohy. Sous sa direction la belle partition de Delibes a pu nous révéler ses richesses sonores et ses timbres exotiques, sa force émotive et son charme et en même temps Tuohy était bien attentif aux chanteurs. Une exécution mémorable.
Erna Metdepenninghen
Opéra de Marseille, le 9 mai 2017

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