Le bouleversant Trio Wanderer

par

JOKERAnton Arensky (1861-1906) : Trio avec piano n°1 op.32 en ré mineur
Piotr I. Tchaïkovski (1840-1893) : Trio avec piano op.50 en la mineur

Trio Wanderer : Jean-Marc Phillips-Varjabédian, violon – Raphaël Pidoux, violoncelle – Vincent Coq, piano
2013 – DDD – 71’42’’ – Texte de présentation en français, anglais, allemand – Harmonia Mundi – HMC 902161
Fier de 25 ans d’expérience, le Trio Wanderer offre certainement l’une des parutions le plus émouvantes de 2013. Le Premier Trio d’Anton Arensky côtoie le grand et unique Trio de Tchaïkovski. Le fil conducteur : hommage à deux grands artistes. Pour Arensky, c’est Karl Ioulievitch Davidov, violoncelliste letton soliste à Leipzig et Saint-Petersburg qui hante la partition. De tradition russe, l’œuvre d’Arensky reste relativement classique en proposant des lignes structurées dans une forme héritée du passé. Sa musique est exaltante, inspirée mais prudente. Arensky semble se focaliser avec intelligence sur les thèmes et ses transformations, au point de s’enfermer par moment dans une exigence extrême. Quatre mouvements qui présentent clairement l’influence d’un Tchaïkovski sur toute une génération de compositeurs. Ses thèmes sont vivants, colorés et expressifs, le tout sur un travail harmonique déjà moderne pour l’époque. A côté de mouvement particulièrement virtuoses se dégagent d’autres parties lentes et plus maîtrisées. Le Trio Wanderer en propose une lecture passionnante. De la richesse des couleurs et nuances aux dynamiques en passant par une précision instrumentale irréprochable, aucune note n’est à jeter ici. Le premier mouvement imagé et animé est une démonstration expressive hors-pairs. La forme est aboutie, le jeu est brillant tandis que le développement est construit d’une manière exceptionnelle. La réexposition est davantage affirmée avant un second mouvement quelque peu frétillant par les envolées du piano face au jeu tourbillonné des cordes. L’Elégie, le noyau de l’œuvre s’inscrit dans l’esprit d’une marche funèbre. L’harmonie émotionnelle laisse place à un minimalisme dans l’écriture. Mélodie libre grâce à un accompagnement de marche très discret. Intime et introspectif (avec une intonation parfaite), cette Elégie précède un quatrième mouvement furioso où la précision et la détermination du trio sont à féliciter. L’unique Trio de Tchaïkovski s’inscrit dans la même veine et approfondit davantage le côté émotionnel. Le compositeur détestait l’agencement des violon, violoncelle et piano en trio. A Debussy, il affirme détester ce genre et avoir du mal s’en imprégner. C’est seulement à la mort du frère cadet d’Anton Rubinstein, Nicolaï Grigorievitch que le compositeur parvient à écrire un trio d’une expressivité remarquable à la forme souvent curieuse. Presque concertant, le piano tient ici une place de choix. Il domine largement le discours musical et ponctue le texte d’envolées techniques et lyriques. Le deuil est au centre de ce sommet, notamment par les thèmes et mélodies passionnants. Le second mouvement et ses variations se basent sur un thème extrêmement simple à l’image, comment souvent chez Tchaïkovski, d’un motif populaire. Chaque variation énonce une dynamique, un style, une émotion. Une fois de plus, la lecture du Trio Wanderer est magistrale. Le premier mouvement est fascinant et captivant tant par la qualité du son et de la forme que par l’homogénéité. Le thème est ses variations qui suivent sont intelligemment façonnés. Aucune vulgarité mais plutôt de la simplicité. Jeu très naturel, juste et coloré pour ces deux sommets de la littérature musicale. Voilà un cd qui captivera très certainement l’auditeur par l’émotion qu’il dégage. Une seule envie nous vient à l’esprit à l’issue des deux trios : les réécouter !
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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