Le Cleveland Orchestra à Bruxelles

par

Olivier Messiaen (1908-1992) : L’Ascension, quatre méditations symphoniques – Couleurs de la Cité Céleste
Richard Strauss (1864-1949) :
Also sprach Zarathustra
The Cleveland Orchestra – Franz Welser-Möst, direction – Joela Jones, pianoDans le cadre de sa tournée européenne 2015, le Cleveland Orchestra occupait jeudi soir la scène du Palais des Beaux-Arts sous la direction de son directeur musical Franz Welser-Möst. L’orchestre, qui a vu passer les plus grands (Szell, Maazel, von Dohnanyi), s’est lancé dans un programme ambitieux et audacieux devant une salle joliment remplie. Un programme qui faisait d’une part référence à la foi inconditionnelle de Messiaen en Dieu et d’autre part l’agnostique qu’était Richard Strauss avec notamment son Also sprach Zarathustra, « une esquisse de l’évolution de la race humaine, des origines à la notion nietzschéenne de surhomme. » (Richard Strauss à propos de son œuvre). En commençant par L’Ascension d’Olivier Messiaen, œuvre de jeunesse du compositeur dans laquelle transcende pour la première fois la religion comme sujet, le chef place la barre très haut : homogénéité remarquable et respirations précises de l’harmonie durant la première des quatre méditations, tandis que les trois autres, avec des effectifs différents à chaque fois, nous émerveillent par la richesse des couleurs et des contrastes. Les mêmes qualités de son et de précision du geste instrumental se retrouvent inévitablement dans les cordes, nombreuses ce soir, dont le son riche et clair convient parfaitement à l’acoustique de la salle. Si le nombre conséquent des musiciens inquiétait l’auditeur à son arrivée, notamment au risque d’une éventuelle saturation, Welser-Möst parvient à contrôler toutes les masses au point d’obtenir à l’aide d’une gestique sobre et claire le plus petit pianissimo. Il imprime sur chaque pupitre une direction, invite certains à émerger davantage ou au contraire à s’effacer pour faire place à un rythme ou un motif mélodique inattendus. Couleurs de la Cité céleste est une œuvre plus tardive avec à nouveau une référence claire et directe à la religion et plus précisément à la Cité de Dieu. L’œuvre est le fruit d’une commande du festival allemand de Donaueschingen et attise la curiosité par son effectif de 20 musiciens : trois trombones et trois xylophones imposés, associés à un piano, trois clarinettes, un trombone basse, deux cors, quatre trompettes et un set de percussions. Très rapidement se décèlent dans l’œuvre les trois domaines de prédilection de Messiaen à savoir la religion, le chant des oiseaux notamment avec le piano et la fascination pour le rythme, percutant à bien des endroits ou plus souple à d’autres. La pianiste Joela Jones distille dans le piano toute l’énergie requise, possède clairement une oreille affutée, un sens du rythme poussé et un son clair et percutant à souhait. Le chef quant à lui dispose d’un ensemble remarquable et parvient à créer une atmosphère à l’aide d’une direction à nouveau limpide. En terminant par l’une des œuvres phares de Richard Strauss, Also sprach Zarathoustra, Welser-Möst joue à domicile et donne de cette lecture l’une des références du 21ème siècle. Du célèbre thème aux passages plus dansants ou tragiques, le chef dirige d’une main de maître, ne laisse passer aucun détail et transcende chaque motif.
La promesse d’un concert de très grande qualité est tenue, donnant à l’auditeur l’opportunité d’entendre l’une des meilleures phalanges américaines en Europe.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar, le 15 octobre 2015

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