Le destin tragique d'un grand compositeur du 20e siècle

par

Walter BRAUNFELS
(1882-1954)
Lieder opus 1, 4, 7, 11, 13, 27, 29 et 44
Marlis PETERSEN (sop.), Konrad JARNOT (bar.), Eric SCHNEIDER (piano)
2016-DDD-70'35-Textes de présentation en anglais et allemand-Capriccio C5251

Quand on parle de destin brisé, il faut absolument penser à Walter Braunfels. Et même doublement car, comme l'indique avec justesse la notice de ce disque, sa musique est morte deux fois: la première quand celle-ci fut classée « entartete » (dégénérée) par les nazis, la seconde quand, dans l'après-guerre, la tonalité fut vilipendée et mise au pilori par la nouvelle génération menée par les Stockhausen, Boulez et consorts. Car Walter Braunfels fut un nom, et d'importance. Compositeur d'opéras, il fut le plus représenté en Allemagne dans l'entre-deux guerres parmi les contemporains, après Richard Strauss. Dès avant le premier conflit mondial, il proposait une Princesse Brambilla qui a heureusement survécu jusqu'à connaître les honneurs du disque (chez Marco Polo). En 1920, ce seront Les oiseaux d'après Aristophane (une magnifique version existe chez Decca), sans nul doute l'un de ses chefs-d'oeuvre les plus aboutis et un des joyaux du 20ème siècle en matière d'art lyrique, qui impressionnera le célèbre musicologue Alfred Einstein par sa force et son originalité. Mais c'est également pour ses pages religieuses que Braunfels doit d'être célébré. Son Te Deum, sa grande messe, ses oratorios, influencés par sa conversion au catholicisme, conséquente à ses blessures reçues durant la Grande Guerre, sont des ouvrages d'une ferveur spirituelle rare. Les nazis mirent brutalement fin à ses succès, parce qu'il était Mischling (c'est-à-dire qu'il était partiellement juif de par ses liens familiaux) mais aussi parce qu'il fut assez courageux – ou inconscient ? - pour refuser de composer l'hymne du parti. Il fut obligé de quitter ses fonctions à l'Académie de musique de Cologne qu'il avait co-fondée et parvint à immigrer en Suisse. Sa musique prend résolument ses racines dans le romantisme; son opus 1, que l'on entend dans ce disque, s'inspire avec évidence de Schumann et Brahms. Plus tard, son style se rapproche de celui des plus romantiques de ses contemporains: Richard Strauss, bien sûr, mais aussi Hans Pfitzner, Karl Amadeus Hartmann et Boris Blacher. Les oeuvres retenues ici datent des « riches années » et plongent le plus souvent dans une poésie douce mais nullement mièvre, très schubertienne – l'accompagnement pianistique rappelle souvent l'auteur du Winterreise. A l'évidence, il faudra aborder Braunfels par ses oeuvres majeures mais on aurait tort de bouder ces poignées de Lieder, tous aussi magnifiques les uns que les autres. L'interprétation est irréprochable. Une très belle découverte.
Bernard Postiau

Son 9 - Livret 6 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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