Le Festival Prokofiev de l’ONB

par

Sergey Prokofiev (1891-1953) : Ouverture sur des thèmes juifs, op. 34bis – Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 19 – Roméo et Juliette, op. 64 (extraits)
Orchestre National de Belgique, Andrey Boreyko, direction – Julia Fischer, violon

Du 10 au 13 décembre, l’Orchestre National de Belgique organisait un festival consacré à Prokofiev à BOZAR. Concerts de musique de chambre et d’orchestre se succédaient avec des artistes tels que Andrey Boreyko, Sol Gabetta ou encore la jeune violoniste allemande, Julia Fischer. Pour clôturer le festival, Andrey Boreyko élabora son programme sur les trois grandes périodes créatrices du compositeur russe : le Premier concerto pour violon est dessiné au moment de la Révolution de 1917. Il est empoigné ici avec facilité par Julia Fischer. On remarquera une magnifique concentration d’un bout à l’autre de l’œuvre, mais aussi la manière dont elle parvient à agencer les motifs mélodiques et rythmiques, ici encore dans une veine lyrique. Avec un jeu sincère et délicat, Julia Fischer rend justice à l’œuvre tout en affichant une maîtrise évidente de l’instrument et un parcourt général construit. En parfait dialogue avec l’orchestre, sous la baguette solide et maîtrisée d’Andrey Boreyko, elle ne se distancie à aucun moment des instruments et tente au contraire d’offrir un tout homogène. En bis, un fougueux 24ème Caprice de Paganini. C’est avec cette même baguette limpide et musicale que Boreyko débuta le concert dans une œuvre de la seconde période, très rarement jouée : Ouverture sur des thèmes juifs. C’est après avoir quitté la Russie en 1918 que Prokofiev découvre quelques thèmes hébreux notés par des amis juifs, l’ensemble Zimro, de St Petersburg. A leur demande, Prokofiev écrit d’abord une ouverture pour le sextuor (quatuor à cordes, clarinette et piano) avant d’entamer son orchestration en 1934, soit 15 ans après la création à New York. De courte durée, Boreyko a su y insuffler une grande palette de couleurs et de contrastes, tout en appuyant et soulignant certains traits et motifs caractéristiques. Belle énergie pour une musique dansante, rythmée et quelque peu plaintive à certains moments. La baguette est ici plus souple, parfois très libre laissant carte blanche aux musiciens, notamment les bois, sans rentrer dans un pathos exacerbé. En seconde partie, place à l’un des volets les plus importants de Prokofiev : Roméo et Juliette. Troisième et dernière période pour Prokofiev qui, à la demande du metteur en scène au Théâtre Studio de Leningrad Serge Radlov, écrit un ballet pour le Théâtre Mariinski. Si la genèse et la création de l’œuvre ont souffert de complications liées à de nombreux obstacles, la critique l’encensa contre toute attente. Se distinguent dans cette musique de très nombreux éléments mélodiques et rythmiques, réalisant quelque part une synthèse de la musique de Prokofiev. Entre douceur, acidité et combats percussifs, Boreyko pose une baguette contrôlée, efficace tout en cherchant à créer une grande architecture. Le choix des tempi est judicieux, parfois rapides mais soutenus. Aucun conflit au sein des pupitres, une très belle balance générale, des cuivres en forme et un pupitre de percussions percutant à souhait. Notons également une très belle homogénéité de la part des cordes qui réussissent cet après-midi à parler d’une seule voix, cette même voix que nous avions apprécié lors du concert donné plus tôt avec le pianiste turc Fazil Say. Dimanche, c’étaient un orchestre et un chef unis pour et par la musique, apportant chacun leurs expertises et leurs maturités. Une belle collaboration qui débouche inévitablement sur une progression d’ensemble à souligner devant une salle comble et comblée.
Ayrton Desimpelaer
Bozar, le 13 décembre 2015

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