"Le gai savoir" de la musique ancienne

par

0126_JOKERLivre : Les voix d'un renouveau
La musique ancienne et son interprétation de Mendelssohn à nos jours
par Harry Haskell

Traduit de l'américain par Laurent Slaars
Préface de Gilles Cantagrel
Berlin, 11 mars 1829, « une foule des grands jours réunie dans la majestueuse salle de la Singakademie de Berlin » pour entendre Mendelssohn diriger la Passion selon Saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach. Le pas est franchi. Désormais, lors des concerts, on exécutera aussi des oeuvres qui ont cessé d'être contemporaines. On parlera dès lors de « musique ancienne », soit antérieures à 1750. Petit à petit va s'élaborer un courant qui atteindra son apothéose un siècle et demi plus tard, sollicitant les « afficionados », les musiciens, les mélomanes, les maisons de disques qui voient là un marché bien rentable. A ma connaissance, c'est le premier ouvrage de référence paru sur le sujet. S'il date de 1988 dans sa version originale anglaise, il a été réédité et revu, toujours en anglais, en 1996. A l'occasion de sa publication en français, il a été actualisé et augmenté par l'auteur avec la collaboration du traducteur, Laurent Slaars. L'occasion nous est donnée ici de relever le caractère indispensable de chroniques musicales dans la presse écrite, car c'est à partir d'écrits musicologiques, mais surtout d'extraits de presse que l'auteur a réussi à retracer cette magnifique histoire de la renaissance de la musique ancienne, celle des pionniers jusqu'aux artistes-phares d'aujourd'hui. On voit ainsi défiler, depuis la fin du 19e siècle les coeurs secs pour qui l'interprétation est la servile traduction de la note, les convaincus de détenir la toute puissance et la vérité du progrès, les musiciens pour qui toute musique a une âme, les découvreurs enthousiastes. A leurs côtés, la facture instrumentale connaît un renouveau par ce retour à l'ancien, à l' « historiquement informé » plus encore que « musicologiquement informé ». Tout au long de ces pages, l'auteur s'attache à quelques personnages mythiques sans lesquels la musique ancienne n'aurait pas aujourd'hui ses propres codes : Arnold Dolmetsch pour la musique instrumentale, Richard Terry pour la musique vocale, Charles Bordes en France, plus près de nous, Safford Cape qui signa les premiers enregistrements de la collection « Archiv Production », et... « la vieille dame indigne », Wanda Landowska et son clavecin Pleyel qui, aux remarques désobligeantes, réplquait qu'elle  « jouait ce que son coeur ressentait ». Ce qui, outre l'énorme apport musicologique, rend ce livre passionnant, ce sont les jeux de renvoi du passé au présent, l'accrochage à la vie musicale que l'on ressent dans toute son effervescence pour nous livrer un « gai savoir ». En annexe, une bibliographie commentée offre la possibilité d'aller plus loin dans l'étude et un index de quelques 1800 noms ! Bref, un ouvrage qu'on lit avec passion et auquel on ne manquera pas de retourner souvent.
Bernadette Beyne
2013, Actes Sud, 384 pages, 30 €

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