Le mystère Attenelle

par

Enrique Granados
(1797 - 1828)
Goyescas (suite pour piano, op. 11)
Albert Attenelle (piano)
2016 -DDD - 54’06 - Textes de présentation en catalan, espagnol et anglais - Columna Musica 1CM0346
Si le nom d’Albert Attenelle est peu connu chez nous, il semble bénéficier d’une belle réputation en Espagne et plus particulièrement en Catalogne, où on le considère comme un héritier de la grande tradition du piano catalan puisque son maître fut nul autre que le grand pédagogue Frank Marshall (1883-1959), élève de Granados et qui compta aussi Alicia de Larrocha parmi ses élèves. On n’est donc pas surpris de voir Attenelle vouloir laisser au disque sa version de la suite Goyescas du grand compositeur espagnol. L’écoute révèle directement que si le pianiste n’est sans doute plus de première jeunesse, il est le possesseur d’une belle et souple technique digitale et paraît à tout moment détendu même dans les passages les plus ardus de cette musique virtuose où il aligne les notes sans le moindre effort apparent, et sans à aucun moment se crisper. En revanche (et cette impression ira se confirmant tout au long des six parties de l’oeuvre), il y a dans son approche quelque chose d’étonnant. D’abord, il se contente d’une dynamique très étroite, gomme ensuite systématiquement tous le accents rythmiques et donne une version si étonnamment terne de cette musique si vivante et colorée qu’on a l’impression d’être en présence d’un excellent pianiste de bar qui, se tenant à un parti-pris de neutralité polie, s’emploierait à assurer un fond musical de qualité en veillant bien à déranger le moins possible ceux qui de toutes façons ne l’écoutent que d’une oreille. Pour ceux qui estimeraient le présent jugement trop sévère, n’importe lequel des enregistrements de cette même oeuvre par Alicia de Larrocha démontre de façon éclatante les richesses de ces magnifiques oeuvres. Prenons par exemple la version gravée pour Hispavox en 1961 (et d’ailleurs nettement mieux enregistrée que la version Attenelle et son piano cotonneux): dès les premières notes du morceau d’ouverture Los Requiebros la musique se remplit de vie, de couleurs et d’accents, vibre et exulte - et l’on comprend pourquoi la grande pianiste espagnole est décidément inégalable dans ce répertoire.
Patrice Lieberman

Son 5- Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 5

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