Le New York City Ballet triomphe au Châtelet 

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Pour sa douzième édition, le Festival des Etés de la Danse reçoit pour la première fois le New York City Ballet. Sur la scène du Châtelet, se succèdent cinq programmes différents en l’espace de trois semaines. J’ai eu la chance d’en voir deux, devant des salles combles qui ovationnent la compagnie fondée en octobre 1948 par le chorégraphe George Balanchine et la mécène Lincoln Kirstein.Le premier était dédié à la musique américaine et débutait par la Western Symphony conçue au printemps de 1954 sur une musique d’Hershy Kay arrangeant plusieurs mélodies folkloriques ; dans un décor de John Boyt figurant un saloon et des costumes de Barbara Karinska, roses pour les girls, noirs pour les cow-boys, George Balanchine traite le matériau yankee avec une gestique classique en un décalage qui suscite le sourire. Dans une mouture du même Hershy Kay, il élabore, en 1963, sous forme d’un pas de deux brillant, une Tarantella due à Louis Moreau Gottschalk, magistralement restituée par les étoiles Tiler Peck et Joaquin De Luz. Puis paraissent deux créations de Peter Martins, le directeur de la troupe depuis 1990 : The Infernal Machine, conçue en 2002 sur une partition de Christopher Rouse, s’éloigne du mythe oedipien à la Cocteau pour suggérer un monstre grinçant campé par Amar Ramasar happant sa victime (Ashley Laracey). Le Barber Violin Concerto, constitué en 1988 d’après l’opus 14 de Samuel Barber, ayant ici pour soliste le violoniste Kurt Mikkanen, joue de lignes épurées en opposant un couple classique (Sara Mearns – Ask la Cour) à un autre d’inspiration moderne (Megan Fairchild – Jared Angle). Et la soirée s’achève par la West Side Story Suite de Jerome Robbins dans une version de 1995 juxtaposant les numéros de danse écrits par Leonard Bernstein. Dans ce ‘remake’ de Roméo et Juliette, en viennent aux mains deux factions du Bronx qui ont pour têtes Riff (Robert Fairchild) et Bernardo (Justin Peck), quand Chase Finlay et Mimi Starker dessinent le couple Tony-Maria. Et la partition est remarquablement interprétée par une formation française de premier ordre, l’Orchestre Prométhée, dirigée par Andrews Sill.
Sous la baguette de Daniel Capps, le même ensemble propose, le lendemain, un programme Tchaikovsky comportant trois des chorégraphies majeures de George Balanchine. Serenade, présentée par l’American Ballet en mars 1935 puis par le New York City Ballet en octobre 1948, se base sur la Sérénade pour cordes op.48 dont elle intervertit les mouvements liés entre eux. Sans le moindre décor, se profilent vingt-quatre danseuses dans de longs taffetas bleu ciel, tendant le bras droit vers l’infini avant de se réunir en figures de groupe qui se dissiperont dans le lointain à la venue des premiers plans incluant les étoiles Rebecca Krohn, Megan Le Crone, Tiler Peck et les danseurs Jared Angle et Ask la Cour. Par contraste, Mozartiana use du noir et blanc des costumes de Rouben Ter-Arutunian pour modeler un véritable exercice de style à partir de la Quatrième Suite d’orchestre op.61 : Tchaikovsky orchestre l’Ave verum corpus et trois pages pour piano dont les Variations sur « Unser dummer Pöbel meint » des Pèlerins de la Mecque de Gluck ; et les élèves de l’Ecole de danse Janine Stanlowa dialoguent ici avec la ballerine Sterling Hyltin et le jeune Anthony Huxley. Et le programme s’achève par le Deuxième Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, dont la version dansée a été remaniée à trois reprises jusqu’à l’aboutissement de 1973, sans décor, trouvant son coloris dans le rose et blanc des costumes de Gary Lisz et le brio du jeu de la pianiste Susan Walters. Les trois mouvements voient les solistes Sara Mearns, Russell Janzen et Lauren King constituer d’éblouissants tableaux avec l’ensemble du corps de ballet. Et le public parisien, totalement conquis, manifeste bruyamment son enthousiasme et justifie le « sold out » pour toutes les représentations.
Paul-André Demierre
Paris, Théâtre du Châtelet les 4 et 5 juillet 2016

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