Le premier opéra de Mondonville s'avère déjà un chef-d'oeuvre

par
de Mondonville, Isbé

Jean-Joseph CASSANEA de MONDONVILLE
(1711 - 1772)

Isbé, pastorale héroïque
Katherine Watson (Isbé), Reinoud Van Mechelen (Coridon), Thomas Dolié (Adamas), Chantal Santon-Jeffery, Alain Buet, Blandine Folio Peres, Rachel Redmond, Artavazd Sargsyan, Marton Komaromi, Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György VASHEGYI
2017-Live-3CD 61'25'', 48'55'' et 63'04''-Textes de présentation en anglais, français et allemand-livret en français et en anglais-chanté en français-Glossa GCD 924001

A la tête des mêmes choeur et orchestre, György Vashegyi avait enregistré pour Glossa, cette année aussi, quatre grands motets de Mondonville, dont la réussite avait été saluée ici-même. Le revoici, tout aussi enthousiaste, à la découverte d'un opéra inconnu de ce contemporain de Rameau, découverte coproduite par le Centre de musique baroque de Versailles. Genre un peu hybride, la pastorale héroïque se présente en cinq actes avec prologue, comme la tragédie lyrique héritée de Lully, mais à l'intrigue insignifiante, batifolant autour d'amours mythologiques. Mondonville y sacrifia plus tard encore avec Titon et l'Aurore (1753) et Rameau lui-même avec Zaïs en 1748. Premier essai lyrique, Isbé ne fut pas un succès : on lui reprocha d'être "trop compliqué, savant, plus recherché qu'expressif". A vrai dire, la fadeur de la trame n'incite pas à la transpoition dramatique : Adamas renonce à sa passion pour Isbé en voyant l'amour qui unit sa belle à Coridon. Peu importe, car la musique est magnifique. L'orchestration, sobre (pas d'altos ni de cuivres), suit fidèlement la verve mélodique du compositeur, que nous avions déjà pu admirer dans ses motets ou dans son ballet héroïque Les Fêtes de Paphos (Decca). Le prologue, allégorique, décrit la victoire de la Mode sur la Volupté et l'Amour (!). Si l'acte I ne contient aucun morceau saillant, ce n'est pas le cas de l'acte II, dans lequel Adamas se taille le premier rôle : le beau baryton Thomas Dolié fait merveille dès son air d'entrée, et surtout dans la longue et puissante scène finale, qu'il supporte à lui seul. A noter ici la ravissante intervention d'Artavazd Sargsyan en Dieu des bois "Le destin répandra des fleurs sur ta carrière." L'acte IV est tout aussi remarquable et voit la belle confrontation Isbé-Coridon dans un long duo "Voyez couler mes larmes", où les deux solistes, Watson et Van Mechelen, font montre d'une parfaite maîtrise du style de l'opéra d'alors, dont celle de l'articulation. L'acte comporte  aussi une symphonie, dans laquelle se déploie tout l'art du grand violoniste que fut Mondonville. L'acte V (comme souvent dans l'opéra baroque français) offre les plus grandes beautés musicales, qu'introduit un prélude impétueux, aux basses grondantes. Suivent une petite marche, un "air lent et piqué" fugué, une scène de tonnerre avec timbales et flûtes, un air de fureur d'Adamas, deux choeurs dramatiques genre Gluck, et enfin, lors de la fin heureuse, un duo avec choeur absolument sublime entre Isbé et Coridon "Je n'aimerai que vous, et je le jure encore". L'opéra finit dans la plus grande douceur, tous entourant affectueusement les amants enfin réunis. Un moment d'émotion intense.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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