Le succès fulgurant du ballet Don Quichotte

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Pour la seizième fois depuis février 1987, la troupe de ballet de la Scala de Milan reprend la production que Rudolf Nureyev avait conçue pour le Don Quichotte de Ludwig Minkus. Et c’est l’ex-danseur étoile de l’Opéra de Paris, Laurent Hilaire, qui la supervise, après avoir interprété lui-même fréquemment le rôle de Basile.

La trame en est simple : à côté des mésaventures du Chevalier à la triste figure, efflanqué de l’inénarrable Sancho Pança, se développe l’intrigue amoureuse qui lie Kitri, la fille de Laurent l’aubergiste, au fringant barbier Basile. Mais l’hôtelier voudrait donner la main de sa fille au riche benêt Gamache. Et tout finira bien.
Si on la compare à la mise en scène de l’Opéra, celle de la Scala est beaucoup plus fastueuse. Les décors de Raffaele Del Savio suggèrent la grand-place d’une cité médiévale puis un campement tzigane à proximité de moulins à vent, dont la perspective est prolongée par de gigantesques toiles peintes magnifiques. S’y ajouteront les tréteaux de Maese Pedro dont les marionnettes seront campées par les élèves de la Scuola di Ballo, ainsi que la forêt enchantée où apparaîtront les Dryades et leur reine. Les costumes d’Anna Anni constituent une débauche de coloris aussi rutilants que suggestifs sous les éclairages fascinants de Marco Filibeck. A la tête de l’orchestre milanais, le chef David Coleman, spécialiste des partitions chorégraphiques, sait valoriser la musique de Minkus pour y déceler quelques pépites, sans la réduire à la fonction de « lève-jambes ».
A la suite de la défection de Marianela Nunes et d’Alina Somova, c’est finalement à Nicoletta Manni qu’incombe le rôle de Kitri, qu’elle a beaucoup dansé et qu’elle campe avec une technique aguerrie et une élégance primesautière. Face à elle, l’Ukrainien Leonid Sarafanov, déjà interprète de Basile en juin 2007, fait valoir sa maestria tout en sachant se dérider dans les scènes comiques ; mais l’on notera que l’enchaînement des bonds tourbillonnants n’est pas sa spécialité. Giuseppe Conte est le danseur de caractère qui sait rendre touchante la figure de Don Quichotte. Gianluca Schiavoni a la cocasserie bon enfant de Sancho Pança, trait que partage ce maladroit ridicule qu’est le Gamache de Riccardo Massini, toujours secondé par le Laurent affairé de Matthew Endicott. Virna Toppi a la grâce éthérée de la Reine des Dryades, Vittoria Valerio, la bravade aguicheuse de la danseuse de rue, quand Antonino Sutera est un tzigane roublard, Marco Agostino, un matador d’arrogance hautaine. Comme toujours, le Corps de ballet de la Scala est de haut niveau.
Paul-André Demierre
 Milan, Teatro alla Scala, première du 6 mars 2016

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