Le Triomphe des chanteurs

par

Kate Aldrich (Leonor de Guzman), Yijie Shi (Fernand) © Patrice Nin

La Favorite à Toulouse
« La Favorite » grand opéra en quatre actes de Donizetti sur un livret d’Alphonse Royer et Gustave Vaëz fut créé le 2 décembre 1840 à l’Opéra de Paris, salle Le Peletier. Mais c’est sans doute comme « La favorita » que l’opéra fut le plus joué internationalement et enregistré. Pas de version italienne bien sûr pour le Capitole de Toulouse qui annonçait une nouvelle production pour la saison 2013-14, dirigée par Bruno Campanella, mise en scène par Vincent Boussard, dans des décors de Vincent Lemaire et des costumes de Christian Lacroix et interprétée par Sophie Koch (Léonor), Saimir Pirgu (Fernand), Ludovic Tézier (Alphonse), Diogenes Randes (Balthazar), Yijie Shi Don Gaspar) et Marie-Bénédicte Souquet (Inès). Mais quand le rideau s’est finalement levé sur « La favorite » il y avait une autre chef d’orchestre et seulement deux chanteurs de la distribution prévue. Avons-nous beaucoup perdu au change ? Je ne le pense pas. Dommage qu’on n’avait pas changé l’équipe de la mise en scène car ces messieurs n’ont vraiment pas servi l’œuvre.
Le décor sobre de Vincent Lemaire est composé de hautes arcades et de miroirs mais ne dégage pas beaucoup d’atmosphère. Et ni les grands paons empaillés ni les meubles anachroniques y changent quelque chose. Heureusement il y les lumières de Guido Levi pour donner quelques couleurs. Les costumes de Christian Lacroix sont plutôt des fantaisies de couturier, multicolores et lustrées mais aussi laides et ridicules (les dames du chœur) et même encombrantes (les robes de Léonor). Et quelle idée d’affubler la pauvre d’une robe rouge vif quand elle censée de porter un habit monastique de novice. Dans ce cadre Vincent Boussard a réglé une mise en scène peu inspirée, distante et sans vraie émotion avec des chœurs se déplaçant en masse et une direction d’acteurs parfois incompréhensible. Pourquoi Léonor ne meurt-elle pas dans les bras de Fernand mais disparaît dans le fond de la scène ? Etait-ce peut-être un rêve ou une vision de Fernand qui se promène avec une valise phosphorescente. Comprenne qui peut.
Heureusement les chanteurs se sont investis complètement dans leurs rôles tous interprétés avec une excellente diction du français. Pas de problèmes bien sûr pour Ludovic Tézier qui donne une belle allure à Alphonse, roi de Castille, souverain amoureux et jaloux qui admire les jardins de l’Alcazar et proclame sa passion pour Léonor. Tézier fait sonner son baryton puissant au timbre de bronze plein d’autorité. La mezzo américaine Kate Aldrich est une Léonor séduisante qui traduit bien les émotions de la maîtresse du roi et chante le rôle d’une voix expressive, homogène et chaude. Le jeune ténor chinois Yijie Shi nous a peut être réservé la plus grande surprise. Nous le connaissions surtout comme un interprète de Rossini, compositeur qu’il avait déjà défendu au festival de Pesaro avec une voix souple et virtuose mais pas très puissante. Mais son Fernand était d’une vaillance vocale inattendue, la voix bien contrôlée, la projection claire et l’interprétation nuancée. Il triomphait sans problèmes des écueils de la partition et chantait dans un français dont on comprenait chaque mot. Bravo. Peut- être restait-il trop le jeune garçon assez timide mais il a le temps de grandir dans le rôle. Giovannni Furlanetto donnait humanité, noblesse et sévérité au personnage de Balthazar avec une voix qu’on peut souhaiter plus puissante. Inès, la confidente de Léonor, trouvait dans Marie-Bénédicte Souquet une interprète charmante à la voix claire et Alain Gabriel campait un Don Gaspar parfait. Les chœurs chantaient bravement. C’est Antonello Allemandi qui finalement dirigeait l’Orchestre National du Capitole dans une lecture fluide avec de beaux contrastes sonores et des nuances subtiles mais qui semblait parfois assez superficielle et manquait un grand souffle dramatique.
Erna Metdepenninghen
Toulouse 11 février

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