Le violoncelle au sommet

par

Dimitri CHOSTAKOVITCH (1906-1975)
Concerto pour violoncelle n° 1 op. 107–Concerto pour violoncelle n° 2 op. 126
Gautier CAPUÇON (violoncelle), Mariinsky Orchestra, dir. : Valery GERGIEV
DDD–2015–67’ 06’’–Textes de présentation en anglais, français et allemand–Erato 0825646069736Dimitri Chostakovitch n’a jamais écrit que six concertos : deux pour le piano, deux pour le violon et deux pour le violoncelle, l’opus 107 en 1959 et l’opus 126 en 1966. Ces deux concertos pour violoncelle ont été créés par Mtislav Rostropovitch, qui a été son élève de la classe d’orchestration au conservatoire de Moscou et qui, par la suite, est devenu un de ses amis, et même son complice durant près d’une trentaine d’années. On croit d’ailleurs savoir que Mtislav Rostropovitch a conseillé le compositeur dans la gestation de son Concerto n° 1 pour violoncelle. À la fois ludique et grave, l’œuvre a la particularité de faire dialoguer à plusieurs reprises le cor et le soliste, un peu comme s’il s’agissait d’un double concerto, à l’instar du Concerto n° 1 pour piano dans lequel un rôle très important est dévolu à la trompette. Elle fait partie aujourd’hui des concertos pour violoncelle les plus joués à travers le monde. Après tant d’autres interprètes, Gautier Capuçon vient à son tour de l’enregistrer avec le Mariinsky Orchestra de Saint-Pétersbourg dirigé par Valery Gergiev. C’est une belle réussite, et elle est d’autant plus appréciable que Gautier Capuçon a eu l’intelligence de ne pas forcer son talent, une tentation qui guette presque toujours les musiciens s’attaquant aux six concertos de Dimitri Chostakovitch (comme ceux de Serge Prokofiev). Et il ne le fait pas davantage dans le Concerto n° 2, dont le succès populaire est beaucoup moins grand, sans doute parce l’œuvre inverse l’ordre traditionnel des trois mouvements. Ce qui, pour Frans C. Lemaire, « accentue le caractère mélancolique du finale où le violoncelle reprend quatre fois une tournure cadentielle, mais qui reste en suspens comme un long geste d’adieu ». Cette œuvre est en tout cas un superbe et émouvant témoignage du Dimitri Chostakovitch tourmenté, ténébreux, presque halluciné, assailli par ses démons intérieurs et cherchant un équilibre illusoire entre un besoin irrépressible de se mettre à nu et la nécessité de ne pas crisper le pouvoir soviétique, au risque terrible d’être réduit au silence. L’art du violoncelle moderne à son sommet.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 – Livret 7 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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