L’écran musical

par
Musiques de films

Sous la direction de Jérôme Rossi, La Musique de film en France. Courants, spécificités, évolutions, préface de Gilles Mouëllic. Éd. Symétrie, coll. « Symétrie Recherche », 458 p.
Camille Saint-Saëns un précurseur ? Non, il ne l’a pas vraiment été. Sauf qu’il est le premier, en 1908, à avoir composé une partition pour un ensemble instrumental spécifiquement destinée à un film : L’Assassinat du duc de guise, la deuxième réalisation d’André Calmettes.
A-t-il pour autant créé un genre ? Ce qui est sûr, c’est qu’après Camille Saint-Saëns, la musique et le cinéma iront très vite former un couple indestructible – un couple comme un autre, ou presque, avec des hauts, des bas, des bonheurs, des déceptions, des malentendus, des fulgurances. Toute une vie, en somme. Mais qui, jusqu’à présent, n’avait jamais été racontée en détail, du moins pour ce qui concerne l’histoire plus que centenaire du cinéma français. Grâce à cet ouvrage collectif, c’est désormais chose faite. Et faite de main de maître, tant il est riche, tant les questions et les sujets abordés sont nombreux, tant les réponses et les pistes données ou suggérées regorgent d’intérêt.
Y figure ainsi une remarquable étude sur les rapports entre la Nouvelle Vague et la musique contemporaine, à travers laquelle on voit bien à quel point il est difficile de conjuguer une nouvelle esthétique filmique et des bandes-sons originales, parfois audacieuses, mais qui n’effarouchent pas le spectateur. Sur un thème assez proche, Chloé Huvet montre fort bien comment la musique de Georges Delerue pour Vivement dimanche ! de François Truffaut, en 1983, est un hommage « distancié » aux films classiques américains, en l’occurrence les films noirs, dont on sait qu’ils font d’ordinaire appel à de grands effectifs symphoniques.
Arthur Honegger, Georges Auric, Maurice Jaubert, Joseph Kosma, Yves Baudrier, Pierre Jensen, Maurice Jarre, Antoine Duhamel, Francis Lai, Philippe Sarde, Alexandre Desplat, et même le prolifique Ennio Morricone (il a beaucoup travaillé pour le cinéma hexagonal)… tous ces noms qui brillent sur les génériques, de l’époque glorieuse du muet à nos jours, on les retrouve dans La Musique de film en France, et le plus souvent avec des commentaires des plus judicieux, Jérôme Rosso, le directeur de l’ouvrage, ayant veillé, semble-t-il, à ne réunir que des textes de choix. Ce que confirme brillamment la dernière partie, où sont regroupés divers anciens entretiens : Madeline Milhaud (la femme de Darius Milhaud), Éric Demarsan, à qui on doit la bande originale de L’Armée des ombres, le chef-d’œuvre de Jean-Pierre Melville en 1969, Michel Colombier, le musicien du Convoi de la peur de William Friedkin en 1977… Ou encore Henri Dutilleux en personne, qui déclare sans hésiter que la musique de cinéma est une « discipline passionnante » et qu’elle a été pour lui « un terrain propice à expérimenter de nouvelles formes d’écriture ».
Autrement dit : un formidable bouquin.
Jean-Baptiste Baronian

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