L’Empereur à Lille

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FANTASTIQUE_FANTASTIQUE_Guy_FFLille Piano’s Festival, Direction artistique : Jean-Claude Casadesus
Samedi 15 (18h00) : L.V. Beethoven - Troisième et Quatrième Concerti
Dimanche 16 juin (20h00) : L.V. Beethoven – Sonate Appassionata et Cinquième Concerto
François Frédéric Guy, piano – Orchestre National de Lille – Jean Claude Casadesus, direction

Le Lille Piano’s Festival s’est conclu dimanche soir en beauté avec le troisième et dernier concert consacré à Beethoven. Le festival qui fêtera ses 10 ans en 2014 a permis une fois de plus de rencontrer des artistes internationaux dans les plus belles salles de la métropole, dans des programmes allant de Beethoven à Zappa en passant par Bach, Poulenc, Mahler, Debussy, Verdi et bien d’autres. Comme chaque année, le festival attire un très large public démontrant ainsi l’intérêt pour la culture à Lille. Grâce un programme passionnant, la musique classique a fait place ce weekend à la lecture de textes notamment avec Yann Queffélec et Didier Sandre, à la musique de jeu vidéo ou encore à une version jazz de plusieurs classiques avec Uri Caine qui avait déjà proposé durant la saison la Sixième Symphonie de Mahler. La place était faite aux jeunes avec –notamment- la masterclass de Jean-Philippe Collard aux étudiants de la région. Mais le moment-clé de ce festival reste évidemment le marathon Beethoven. François-Frédéric Guy, Jean-Claude Casadesus et l’Orchestre National de Lille donnant les cinq concerti de Beethoven en trois jours -chaque concerto est une pièce unique en soi. Daniel Barenboïm, en tournée à Paris, releva ce défi avec brio dernièrement. Guy a proposé vendredi une lecture des deux premiers concertis au piano et à la direction, mais nous n’avons pu y être. Les 3e et 4e furent donnés samedi soir en compagnie cette fois de Jean-Claude Casadesus qui, avec l’âge développe encore et toujours dynamisme, énergie, dévouement et passion pour la musique. L’ONL en profite dans une salle à peine rénovée aux qualités acoustiques remarquables. Salle toujours comble. Guy développe avec l’orchestre et le chef un dialogue fulgurant, perceptible d’emblée. Depuis le lancement de son Beethoven Project en 2008, Guy saisit chaque œuvre dans l’état d’esprit qui lui correspond, sans étalage technique. Très intime, le 3e Concerto présente des facettes intimes et expressives du compositeur allemand. La forme est pensée et maîtrisée, l’architecture musicale est travaillée, le dialogue avec l’orchestre est vécu. Parfaite mise en place, cohérence dans les nuances, le piano n’est jamais couvert tandis qu’il laisse aussi à l’orchestre le soin de s’exprimer. Guy va au plus profond du piano (un Yamaha CFX) et tend à chercher les sonorités qui lui conviennent. Le 4e concerto est davantage impressionnant et la concentration du pianiste baigne toute l’oeuvre. Guy et Casadesus unifient chaque mouvement, offrant une seule phrase expressive. La polyphonie est en place, le timbre renversant. Le second mouvement est juste dans la dramaturgie. Beau travail des silences où Casadesus exploite chaque recoin de la salle. Le troisième mouvement est brillant et précis. Lors d’un concert symphonique, nous soulignions l’évolution de l’orchestre. Ces trois concerts révèlent des pupitres dosés où les cuivres -pas en grand nombre certes- ne jouent jamais la carte de la puissance, les vents sont justes et les bois expressifs. Dimanche soir, le 5e Concerto entrait en scène. Guy proposait aussi une lecture profonde et passionnante de la Sonate Appassionata. On pourrait signaler quelques passages un peu rapides, certaines phrases brouillonnes mais l’énergie du pianiste balaie ces commentaires. Le premier mouvement est saisi jusqu’aux plus petites notes, le sombre thème d’entrée rencontyre le public et sonne à merveille au Nouveau Siècle. Le moteur est lancé et ne s’arrêtera pas. Son est clair même dans les extrêmes graves. Le 2e mouvement mène dans un monde divin où chaque phrase est en lien avec les autres. On est fasciné par la maîtrise du contrepoint. Le 3e mouvement est un feu d’artifices qui annonce déjà le 5e Concerto. Salle euphorique à la fin de la prestation. On se souvient de l’enregistrement de Christoph Eschenbach qui ne laisse aucun mélomane indifférent. Guy propose une version différente mais l’atmosphère intime du second mouvement, le timbre de la mélodie évoquent le précédent. Le premier mouvement offre quelques grands tutti à l’orchestre, des tutti explosifs et pourtant contrôlés par un Casadesus toujours aussi passionné. Le dernier mouvement fera une synthèse du festival, un moment de joie avec une énergie infinie.
Une fois de plus, l’ONL et son chef peuvent être fiers. François-Frédéric Guy, en plus des trois concerts évoqués, en a proposé deux autres dont un de musique de chambre. Le festival a attiré plus de 15,000 personnes ce weekend et l’enthousiasme des organisateurs laisse présager un bel avenir.

Ayrton Desimpelaere
Lille, Nouveau Siècle, les 15 et 16 juin

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