Les 80 ans de Krzystof  Penderecki – 2

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Marek Mos et le AUKSO Orkiestra Kameralna Miasta Tychy © Bruno Fidrych

A nouveau, nous rejoignions la grande salle de la Philharmonie de Varsovie pour la cinquième soirée de la semaine anniversaire. Une soirée placée sous le signe de l’inspiration religieuse du compositeur d’une part, sur la cassure par rapport à la radicalité de son écriture d’autre part. Le Canticum Canticorum Salomonis date de 1973; il est écrit pour seize voix et petit orchestre. La direction très précise du chef Marek Mos à la tête de l’AUKSO Orkiestra Kameraina Miasta Tychy -spécialisés dans le répertoire contemporain- donnait chair à cette pièce usant de micro-intervalles, de jeux de timbres, de bruits augmentés de sifflets. Surtout, en arrière-plan, elle révélait un témoignage du retour à l’étude de la polyphonie, au point d’évoquer parfois chez l’auditeur les turbae de Bach. Avec Strophes (1959) une courte pièce pour soprano, récitant et dix instruments dont la harpe, la flûte, le piano, la contrebasse et des cordes, Penderecki suscita en son temps l’admiration de ses collègues de Darmstadt et Donaueschingen par sa radicalité totale. Ecrites sur des textes de Sophocle, Isaïe, Jérémie et Omar Khayyam, on y retrouvait, souveraine, la soprano Olga Pasiecznik dont on se souvient de la seconde place au Concours Reine Elisabeth 2000, assortie du prix spécial pour l’oratorio et du prix du public. Suivirent ensuite les Psaumes de David pour piano, deux contrebasses et chœur mixte jouant sur le travail spatial des voix, des rythmes, des intensités sonores. Saluons le travail magnifique de la « Camerata Silesia » préparée par Anna Szostak et du chœur de la Philharmonique préparé par Henryk Wojnarowski.
La seconde partie de la soirée offrait l’œuvre sans doute la plus forte, la plus saisissante du compositeur, sa 7e Symphonie, plus couramment appelée Les sept portes de Jerusalem et composée à l’occasion du 3000e anniversaire de la fondation de la ville sainte. Une œuvre très chromatique en sept mouvements, pour grand orchestre avec une attention particulière aux percussions et aux cuivres bas, sur les textes des Psaumes. Une écriture musicale truffée de symbolique, une puissance expressive qui bouleverse totalement pour les portes séparant les deux mondes : celui sombre et grave de la mort et celui de la vision de la gloire de Dieu. L’orchestre était dirigé par Jacek Kaspszyk, le nouveau chef de l’excellent Orchestre Philharmonique de Varsovie qui ménageait très habilement le poids du texte et celui de la musique. Les solistes étaient eux aussi captivés, ce qui ne pouvait que porter l’ensemble au sommet. On citera les sopranos Izabela Matula et Izabela Klosinska, la mezzo Helena Zubanowicz, le ténor Adam Zdunikowski, la basse Wojciech Gierlach, le récitant -venu tout spécialement de Chicago- Alberto Mizrahi et le chœur de la Philharmonie de Varsovie. Le chœur, l’orchestre, les solistes et le public, debout, saluèrent à l’unisson une soirée marquante, de celles dont un mélomane se nourrit longtemps.
Bernadette Beyne
Varsovie, le 21 novembre 2013

Les percussions dans les loges © Bruno Fidrych
Les percussions dans les loges © Bruno Fidrych
Les cuivres leur faisant face © Bruno Fidrych

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