Les musiques numériques

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Musiques numériques
Essai sur la vie nomade de la musique par Joseph Ghosn 
Du 45 tours au mp3 en passant par le CD, quel est le rapport de l’auditeur aujourd’hui face à la musique enregistrée ? Joseph Ghosn, rédacteur en chef d’Obsession, propose un aperçu détaillé et précis de la place du numérique en musique. Depuis les années 2000, une nette accélération des moyens d’écoute se fait sentir, notamment par les travaux de Steve Jobs et Neil Young. Internet bouleverse les habitudes de chacun et, d’une certaine manière, dématérialise la musique, la rendant accessible à tous. Le support, composé de son boîtier, de sa pochette et de la couverture disparaît au profit des bases de données en ligne s'étendant de jours en jours. Face à cette extension, divers artistes tentent de se démarquer par des procédés originaux tels que Radiohead (changement radical de la manière de vendre et de s’approprier une musique en 2007), Björk et son travail sur les applications pour Ipad, permettant une lecture aléatoire de sa musique, sans règles prédéfinies, idée reprise par Animal Collective qui, sur base d’une banque de sons, impose l’idée du hasard. Ces innovations offrent alors une grande place au téléchargement illégal. Aujourd’hui, rien de plus simple que trouver un fichier téléchargeable et gratuit d’un artiste. Tandis que cette démarche demeure illégale, différentes plateformes proposent un service gratuit et incitent à ne plus payer l’écoute et plus encore, encouragent l’auditeur à se perdre dans un flux interminable de nouveautés, souvent éphémères. Combien d’artistes se font découvrir par une chanson sur Youtube et disparaissent de ce flux en quelques semaines ? Ce propos, négatif, tend à montrer que la démarche de ces plateformes remet à l’honneur des musiques du passé, difficilement accessibles aujourd’hui. D’une certaine manière, l’auditeur est maintenant capable de participer à la (re)découverte d’un artiste, d’un style en proposant des objets inédits : vinyle d’époque numérisé, vidéos de concerts… Et en cela que réside l’évolution des réseaux sociaux, des blogs, sites audio/vidéos et nouveaux médias. Le blog offre au lecteur le reflet d’un mélomane, de sa pensée, de sa propre bibliothèque sans le côté formel de la presse écrite tandis que Facebook propose, au travers de sa page, une présentation des différents aspects de la vie, du travail d’un artiste. Les abonnés ou fans se partagent alors statuts, photos, analyse pointue d’un texte, comme signe de reconnaissance.
Dans la dernière partie du livre, Ghosn applaudit à la fois le travail innovant de certains artistes (Lana Del Rey – Willy Moon) et la façon dont ils tiennent compte du passé et de ce qui les entoure pour construire une musique nomade, errante laissant encore de grandes possibilités d’innovation.
Plus qu’un aperçu historique analytique, cet ouvrage est passionnant et construit avec intelligence. Le constat de Ghosn, « on ne désire plus la musique comme avant », est réel. L’auteur n’émet à aucun moment une critique. Il tente de montrer que la musique s’installe dans de nouveaux horizons, grâce à l'apparition de nouveaux médias qui contribuent à l‘idée du vagabondage. Par un retour aux sources, le lecteur saisira avec facilité les enjeux de ces innovations. Dommage que la musique « classique » n’ait pas été abordée ici, il aurait été intéressant de voir l’impact numérique sur ce répertoire.
Ayrton Desimpelaere
2013, Editions du Seuil, Paris, 223 pages, 19.50€

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