Les Rencontre inattendues : Musiques et Philosophies à Tournai

par

Michel Serres

- Schumann, le rêve et la douleur : Dana Ciocarlie, piano – Michel Schneider, psychanaliste
- Petit Poucet, La Belle, la bête et cie : il était une fois : Marie Hallynck, violoncelle - Marie-Laure Girard Tiberhien, narratrice – MuhiddinDürrüoglü et Cédric Tiberghien, piano
- L’Art, l’Amour, la Mort : Béatrice Uria Monzon, mezzo-soprano - Michel Serres, philosophe - Jean-Marc Bouget, piano

"La musique commence là où s'arrête le pouvoir des mots". Cette phrase de Michel Serres, parrain de l’édition 2013 des Rencontres inattendues caractérise de manière spectaculaire le sentiment de l’auditeur ce samedi 31 août 2013. Inattendues, c’est le terme qui ressort de ce festival où se côtoient les plus grandes personnalités artistiques d’Europe. Proposant des rencontres libres d’accès et d’autres à un prix tout à fait démocratique, il ouvre à divers horizons philosophiques et musicaux, pour différents publics selon les prestations. Le caractère simple, clair et pourtant profond et touchant des interventions fait la richesse du festival. En étroite collaboration avec le Festival de Wallonie, toutes ces prestations se sont déroulées dans les plus beaux lieux de la ville de Tournai : la Halle aux draps, la Cour de l’Evêché, la Cathédrale,....
Nous avons suivi trois rencontres. La première concernait Schumann et sa musique que l’on associe à la nuit. Une conférence passionnante avec la participation de Michel Schneider (psychanalyste) et Dana Ciocarlie (piano). Le premier a tenu un discours d’une clarté et d’une profondeur époustouflantes, analysant à merveille l’ambiguïté du personnage de Schumann (à qui il a consacré un ouvrage) qui pose souvent problème aux musiciens, notamment pour l’interprétation. Dans la critique du dernier disque d’Achuccaro, nous évoquions la complexité du langage harmonique de Schumann, rebutant les jeunes musiciens. Schneider nous décrit un personnage douloureux et incompris dont la musique comme la philosophie posent cette éternelle question, désirée par les philosophes et redoutée par les artistes : Pourquoi ? C’est d’ailleurs sur ce schéma que s’est ouvert le concert : la pianiste a commencé par "Warum" de l’opus 12 et a également terminé par un point d’interrogation avec "l’Oiseau-Prophète" des Scènes de la forêt. La pianiste travaille l’œuvre intégrale de Schumann qu’elle diffuse sur France musique. En plein air, elle a pourtant subi les aléas climatiques habituels et une installation esthétique mais fort dérangeante à l'écoute. Heureusement, il n’a pas plu… La prestation s’est conclue par la Valse de brillante de Chopin.
Dans une acoustique agréable débutait à 16h00 le spectacle musical dans la salle des choraux décorée pour l’occasion. Autour de "Ma mère l’Oye" de Ravel, les enfants et les adultes ont pu goûter à la musique et à l’originalité de cette narration. Sybille Wilson, qui signe le texte, la mise en scène et le film a invité pour l’occasion deux couples : Marie Hallynck et Muhiddin Dürrüoglü et Marie-Laure Girard et Cédric Tiberghien. Dans un espace réduit, le public a pu profiter de ces récits d’antan et apprécier les paroles des musiciens sur leurs propres expériences et vies musicales. Les arrangements de l’œuvre de Ravel (ainsi que d’autres extraits) sont bien conçus et le jeu de Marie Hallynck convient bien à l’ambiance chaleureuse. Même chose pour les deux pianistes qui affichent une complicité étonnante. Douce et expressive, la narratrice a su capter l’attention des enfants, mais aussi des adultes. Belle cohérence entre les séquences du film et le jeu des acteurs. Car les trois musiciens ont aussi participé aux récites, une bien agréable surprise.
Le concert-lecture de 18h00 dans la belle salle de la Halle aux draps était évidemment très attendu. Béatrice Uria Monzon (mezzo-soprano), célèbre pour son interprétation de Carmen, fut fidèle à elle même : magnifique, sereine et passionnée, soutenue par une voix formidable et poignante. Michel Serres nous a offert une sélection de textes inédits, admirables et bouleversants, lus de sa voix profonde et envoûtante. Le pianiste Jean-Marc Bouget ponctuait cette lecture par des pièces de Haendel, Liszt et Brahms dans une acoustique exceptionnelle où chaque note trouvait sa place. La vérité des mots, la beauté de la voix, et l’ineffable émotion engendrée par la musique nous ont fait vivre un instant de grâce.
Le festival se terminait ce dimanche avec d’autres prestations intéressantes. Un véritable succès avec un nombre d’auditeurs particulièrement imposant cette année : près de 500 réservations pour le café-croissant-philo de Michel Serres ce matin même. C’est aussi l’occasion de réécouter certaines prestations comme le "Sacre du Printemps" donné au Conservatoire royal de Bruxelles à l’occasion des Midis-Minimes. Le Festival de Wallonie, noyau de ces prestations, continue sur sa lancée durant les mois de septembre et octobre : consultez notre agenda !
Ayrton Desimpelaere
Tournai, le 31 août 2013

 

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