Les retrouvailles des Khachatryan avec Brahms

par

JOKERJohannes Brahms (1833-1897)
Sonates pour piano et violon, n°1 en sol majeur op. 78, n°2 en la majeur op. 100, n°3 en ré mineur op. 108

Sergey Khachatryan, violon - Lusine Khachatryan, piano
2012-DDD-74'47''-Texte de présentation en français, anglais, allemand et arménien-Naïve V 5314

Ce CD nous ramène 8 années plus tôt, le vendredi 27 mai 2005. Gilbert Varga tenait les rênes de l'Orchestre National de Belgique au Concours Reine Elisabeth et venait de terminer la 10e exécution du concerto imposé - dont vous vous rappelez certainement - c'était l'Obscuro etiamtum lumine du compositeur mexicain Javier Torres Madonado. Le lauréat revenait sur scène accompagné de sa soeur Lusine et abordait la troisième sonate pour violon et piano de Brahms. Son impressionnant concerto de Chostakovitch achevait de soulever la salle du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et, le lendemain, en fin de soirée, il était proclamé premier prix, Prix de la Reine Fabiola du CMIREB 2005. C'était l'Arménien Sergey Khachatryan. Les réalisateurs de la compilation de ce concours avaient préféré retenir pour leur enregistrement chez Ambroisie le poème d'Ernest Chausson que Khachatryan avait interprété en demi-finale et nous avait ainsi privé de cette superbe interprétation de la troisième sonate de Brahms.
C'est dire que le présent enregistrement nous ravit. Et cette fois, le frère et la soeur, Sergey et Lusine, nous créditent des trois sonates de Brahms. Ces sonates datent de la maturité du compositeur. La première est composée en 1878, juste après le concerto pour violon et les deux premières symphonies (1876 et 1878). C'est la sonate pastorale de Brahms, la Regensonate, la sonate de la pluie comme on la qualifie parfois. Les deux autres sonates voient le jour une petite dizaine d'années plus tard, en 1886 pour la seconde sonate postérieure à la quatrième symphonie (1885) et en 1888 pour la troisième sonate qui ne manque pas de réminiscences avec la dernière oeuvre symphonique de Brahms, le double concerto pour violon et violoncelle presque contemporain (1887). La seconde sonate est comme la première en trois mouvements. c'est probablement un hommage tacite à Clara Schumann ; son dernier mouvement évoque le lied Meine Liebe ist grün (mon amour est vert) que Brahms lui avait offert quelques années auparavant. La dernière sonate, elle, est structurée en quatre mouvements et dédiée au pianiste (et chef d'orchestre) Hans von Bülow, le premier mari de Cosima Liszt (qui deviendra vite Madame Wagner).
Les deux Khachatryan nous livrent ici une interprétation aboutie d'une rare homogénéité et d'une profondeur d'approche qui révèlent les multiples facettes dont Brahms a parsemé ses chefs-d'oeuvre ; on entend une vraie musique de chambre tout en souplesse alternant la gravité, la mélancolie et le bonheur tout en gardant le plein respect du texte musical !
Le Concours Musical Reine Elisabeth de Belgique nous a déjà révélé de nombreux talents dans la superbe musique de chambre de Brahms ; que l'on pense à Sergey Khachatryan et sa soeur, comme nous l'avons évoqué plus haut ou à Yuzuko Horigome et Jean-Claude Vanden Eynden dans la première sonate en sol en 1980, pour ne citer que ceux-là. La fratrie arménienne des Khachatryan se place au sommet des interprétations de ces trois sonates de Brahms, auprès de Joseph Suk et Julius Katchen, de Itzak Perlman et Daniel Barenboim ou, plus récemment, de Anne-Sophie Mutter et Lambert Orkis.
Ajoutons un beau texte de présentation de Brigitte François-Sappey, deux superbes photos des jeunes artistes dues à Marco Borggeve, beau clin d'oeil au romantisme radieux de cet enregistrement et une prise de son exemplaire réalisée par les ingénieurs de Naïve au London's Wigmore Hall : à écouter, à lire et à voir sans attendre !

Jean-Marie André
Son 10 – Livret 10 –  Répertoire 10 – Interprétation 10

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