Les très riches heures de Johannes Tinctoris

par
Tinctoris

Johannes TINCTORIS
(c. 1435-1511)
Chansons, motets, extraits de messes, musique instrumentales
Pages de Robert MORTON, Francesco SPINACINO, Alexander AGRICOLA et anonyme
Le Miroir de musique, dir.: Baptiste ROMAIN
2017-DDD-70'-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Ricercar RIC 380

Pour la plupart d'entre nous, Jacques Tinctoris n'est guère qu'un nom dans une encyclopédie de la musique. Tout au plus sait-on qu'il fut un des plus grands théoriciens de son temps. Quant à ses oeuvres, elles ont passé les siècles mais peu s'y sont intéressés. Si l'on excepte David Munrow qui, il y a bien longtemps déjà, lui faisait une petite place dans ses anthologies et deux disques monographiques, l'un plus ancien encore, signé Roger Blanchard chez Nonesuch (jamais repris en cd), et un autre, bien plus récent (2004), remarquable mais supprimé malgré tout, d'Edward Wickham chez Cyprès, c'est auprès d'anthologies où Binchois, Ghizeghem ou Stokem se taillent la part du lion qu'il faut aller grappiller l'une ou l'autre pièce supplémentaire. Grâces soient donc rendues à Ricercar de nous proposer un magnifique programme presque entièrement dévolu à ce maître bien trop méconnu. Sa vie est entourée de mystère. Les avis les plus éclairés estiment qu'il est né entre 1430 et 1440. Un document de sa plume précise qu'il est né à Braine-l'Alleud. Il paraît avoir séjourné, très jeune encore, à Orléans, Cambrai, Chartres et, plus tard, en Italie. On le retrouve cependant à Nivelles en 1488 dans les fonctions de chanoine et ce jusqu'à sa mort en 1511. On sait aussi qu'il rencontra presque sûrement Dufay. Son catalogue est impressionnant, dominé par une quarantaine de messes. Le présent disque nous offre un panorama assez complet de son art: extraits de messes, en particulier le somptueux kyrie de la messe de L'homme armé, motets, chansons, pièces instrumentales s'enchaînent avec naturel et captivent par un agencement et une alternance très bien pensés. Comme le constate l'auteur de la notice, la quasi totalité de la production connue de Tinctoris date des années 1470, qu'il passa à Naples, et on ignore totalement s'il écrivit encore pendant les trente dernières années de sa vie. Quoi qu'il en soit, la musique fascine tout autant que les pages de ses grands prédécesseurs ou contemporains: Dufay (dont il s'inspira), Ockeghem, Busnois entre autres. Petite particularité: le cd propose des versions alternatives, dues à plusieurs compositeurs, de la chanson D'un autre amer, ce qui permet une intéressante comparaison entre Tinctoris, Spinacio ou Agricola. L'interprétation est radieuse, pleine de charme et rend aimable un Moyen-Age que les premiers défricheurs, le courageux Thomas Binckley en tête, nous avaient montré dans toute sa richesse mais aussi dans une approche rugueuse désormais un peu datée. Une superbe parution qui invite à la sérénité, au calme et à la paix de l'âme.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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