L'esprit et la lettre

par

Benjamin BRITTEN (1913 - 1976)   Suites pour violoncelle numéros 1, 2 et 3
Antoine PIERLOT - 2010–DDD-71’59–Livret en français et en anglais–Transart live

Benjamin Britten composa ses trois Suites pour violoncelle à l’attention de son ami russe Mstislav Rostropovitch. En hommage aux suites de J.S. Bach, celles de Britten s’inscrivent directement dans cette lignée, tout en y laissant des marques de son style personnel. Antoine Pierlot, violoncelliste français révélé aux victoires de la musique en 2009, propose ici une interprétation pertinente qui fouille le fond comme la forme. Détenteur d’une maîtrise instrumentale irréprochable, il défend magnifiquement cette partition exigeante. Il s’attache à cheminer au long de chaque Suite en prenant en considération l’aspect formel, tel le prélude Canto de la Première Suite qui revient périodiquement, ainsi que le contenu, hautement chargé par ce style incisif associé à ce lyrisme méditatif typiques du style de Britten. La Deuxième Suite, dont le plan formel s’apparente fort aux Suites de J.S. Bach, nous révèle sous l’archet du violoncelliste français, une présence sonore aussi bien intime qu’exaltée, prenant naissance dans une polyphonie aux harmonies subtiles et ambigües. Antoine Pierlot n’hésite pas à étirer l’instrument dans ses registres, du plus grave au plus aigu, comme pour en souligner la quintessence première de l’œuvre : celle d’une pensée regroupant un tout complexe au sein d’un seul instrument, le violoncelle.
Digne héritier de son prédécesseur du 17ème siècle, Henry Purcell, Benjamin Britten a recourt à une Chaconne finale dans la Deuxième Suite ainsi qu’à une Passacaille conclusive dans la Troisième Suite, ce qui nous fait tout de suite penser à la célèbre Passacaille de son opéra Peter Grimes, de 1945. Dans ces pièces conclusives, Antoine Pierlot fait preuve d’une louable rigueur qui ne l’écarte jamais de l’esprit initial : celui de l’hommage qui prend alors des aspects versatiles tantôt à J.S. Bach, tantôt à H. Purcell, tantôt à la Russie de son ami Rostropovitch par l’usage de trois chansons populaires harmonisées par Tchaïkovski ainsi que d’une mélodie funèbre issue directement de la liturgie slave appelée kontakion. Ce disque des trois Suites de Benjamin Britten reste fidèle au genre de la suite, avec son canevas interne, tout en estimant avec justesse l’héritage apporté depuis J.S. Bach. Il s’agit là d’une interprétation dûment réfléchie, conciliant l’esprit et la lettre de l’œuvre du compositeur anglais du 20ème siècle, sans jamais glisser vers un intellectualisme ou un lyrisme exagéré.
Marie-Sophie Mosnier
Son 9 – Livret 8 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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