L’étrange Scriabine
Alexandre SCRIABINE
(1872-1915)
Sonates pour piano et Poèmes
Yejin GIL (piano)
DDD–2017–78’ 36’’–Textes de présentation en allemand et anglais–Bastille Musique 5
Chose curieuse, le titre général de ce CD est « Étrangeté » en français et le label germanique sous lequel il est édité porte le nom bien français de Bastille Musique, mais les textes de présentation qui l’accompagnent sont uniquement en allemand et en anglais ! Par bonheur, son contenu est remarquable. Il comprend trois des dix sonates pour piano d’Alexandre Scriabine, la Sonate n° 2 op. 19, la Sonate n° 5 op. 53 et la Sonate n° 10 op. 70, ainsi que les Deux Poèmes op. 32, le Poème satanique op. 36, le Poème op. 41, le Poème nocturne op. 61, les Deux Poèmes op. 63 et, enfin, Vers la flamme op. 72, un choix très caractéristique des étranges pièces pianistiques du compositeur moscovite, dont la musique est le syncrétisme de ce qu’on appelé le « symbolisme flamboyant ».
Bien qu’elle soit souvent jouée, cette musique continue toujours de déconcerter certains auditeurs, ne serait-ce que Vers la flamme op. 72, qui fait partie des dernières grandes œuvres écrites par Alexandre Scriabine. Bâtie sur un thème simple, elle débute très lentement et s’accélère de plus en plus, avec des motifs de plus en plus rapides se superposant les uns aux autres et formant un crescendo presque unique en son genre – six minutes enflammées. Quand on l’évoque, on pense d’ordinaire à l’interprétation fougueuse de Vladimir Horowitz, considérée par de nombreux spécialistes comme celle de référence. Face à elle, la jeune Coréenne Yejin Gil ne manque pas d’atouts : un doigté souple, incandescent, d’une superbe texture. D’ailleurs, elle joue brillamment l’ensemble des pièces d’Alexandre Scriabine et confirme à quel point elle est une pianiste douée, à quel point elle mérite les divers prix internationaux qu’elle a obtenus (dont le prix Nadia Boulanger et le prix Albert Roussel).
Jean-Baptiste Baronian
Son 9 – Livret 6 – Répertoire 10 – Interprétation 9