L'hommage impeccable au talent de Félicien David

par
David

Félicien DAVID
(1810 - 1876)
Christophe Colomb (1) - La Perle du Brésil (ouverture) (2)- Le Jugement dernier (3) - Symphonie n°3 (4) - Six Motets (5) - Sept mélodies (6) - Trio avec piano n° 1 (7) - Six pièces pour piano (8).
Chantal Santon-Jeffery (soprano), Julien Behr (ténor), Jozef Wagner (baryton), Jean-Marie Winling (récitant), Flemish Radio Choir, Les Siècles, dir.: François-Xavier ROTH (1); Brussels Philharmonic, dir.: Hervé NIQUET (2); Flemish Radio Choir, Brussels Philharmonic, dir.: Hervé NIQUET (3); Brussels Philharmonic, dir.: Hervé NIQUET (4); François Saint-Yves (orgue), Flemish Radio Choir, dir.: Hervé NIQUET (5); Cyrille Dubois (ténor), Tristan Raës (piano) (6); Pascal Monlong (violon), Pauline Buet (violoncelle), David Violi (piano) (7); Jonas Vitaud (piano) (8).
2017 - 3 CD (78'49'', 80' 36'' et 75' 10'') - Textes de présentation en français et en anglais - Livrets en français (sauf motets) - chanté en français et en latin (motets) - Ediciones Singulares ES 1028

C'était le 11 décembre 2014 : dans le somptueux décor de l'abbaye "De Bijloke", à Gand, le Palazzetto Bru Zane - Centre de musique romantique française, cheville ouvrière de la réalisation, présentait la redécouverte de l'ode-symphonie "Christophe Colomb" de Félicien David, et en promettait l'enregistrement, couplé avec d'autres oeuvres du compositeur, de manière à enrichir d'un nouvel opus sa collection "Portraits". Chose promise, chose due : voici le livre-disque annoncé. Album de 3 CD, il bénéficie, comme ses prédécesseurs, consacrés à Théodore Gouvy, Théodore Dubois et Marie Jaëll, de ce souci de la perfection propre au  Palazzetto Bru Zane. Biographie, analyse de toutes les  oeuvres, et hommage publié par Saint-Saëns, lors du décès du musicien, complètent l'audition des CD : voici un véritable dossier sur Félicien David, fort bien servi par le disque ces derniers temps. En ce qui concerne Christophe Colomb, je me permettrai de renvoyer le lecteur à ma chronique de 2014, rédigée après une seule écoute. Mes impressions admiratives perdurent après l'audition répétée de l'enregistrement, d'autant plus que les interprètes sont ceux du concert gantois (mais l'enregistrement fut effectué à Versailles les deux jours suivants). Félicien David ne s'est pas limité à des odes-symphonies, mais a abordé, en fait,  tous les genres : l'intérêt de cette publication est de nous révéler des pages totalement inconnues. Première tentative à l'opéra, La Perle du Brésil (1851), survivait par un air de colorature. En voici l'ouverture, vive et alerte, dans le style d'Auber ou d'Herold. Le Jugement dernier était prévu pour former l'apothéose finale du grand opéra Herculanum (1859). David le coupa, le jugeant trop long (14'). Le morceau est remarquable : après une introduction sourde et angoissée, puis une "Marche des trépassés", il fait dialoguer élus et réprouvés lors de la sentence ultime. La grandiose conclusion évoque certaines cantates  de Berlioz. La Troisième Symphonie date de 1846, et baigne dans une ambiance romantique typique. On pense à Méhul, à Mendelssohn, ou à Berwald. La direction enlevée et vivante d'Hervé Niquet souligne la jolie invention mélodique de l'andante con moto, avec de ravissantes interventions des bois, ou la science contrapuntique dans la seconde partie de la chevauchée fantastique que constitue le scherzo. Tout cela s'écoute avec le plus grand plaisir. Suivent six motets en latin, sans orchestre, mais reliés par les improvisations de l'orgue. Sub tuum est très réussi. Dommage que l'éditeur n'ait pas retenu quelques exemples des nombreux choeurs écrits par David pour la communauté saint-simonienne, dont il fut un fervent adhérent. Le troisième CD nous montre le musicien sous son aspect plus intime. Le Palazzetto avait déjà révélé quelques mélodies, chantées par le baryton Tassis Christoyannis. En voici sept autres, qui démontrent bien l'affinité du compositeur pour le genre, entre autres par une écriture qui se souvient du Désert ("L'Egyptienne"). Cri de charité rappelle son engagement socialisant, et Le Ramier annonce Gounod par son balancement charmeur. Un petit bijou, le poème Tristesse de l'odalisque, de Théophile Gautier, très raffiné :  la voix si délicate de Cyrille y excelle. L'accompagnement de Tristan Raës est idéal. Le premier des trois trios de David (1857) est d'une inspiration moins égale que les deux autres, parus chez Naxos en 1993. Celui-ci est un peu longuet et parfois superficiel. Si la belle mélodie au violon du mouvement lent peut séduire, le motif sautillant du final paraîtra bien incongru dans une page de musique de chambre. L'album se termine par six petites pièces pour piano seul, dont trois extraites du recueil Les Brises d'Orient, composé sous le coup de son séjour en Egypte, et déjà connues par l'enregistrement de Daniel Blumenthal (Marco Polo), en 1991. Les autres, tout à fait plaisantes, relèvent de la musique de salon. Jonas Vitaud y est parfait. Tel est donc ce livre-disque, qui fait le tour quasi complet de l' inspiration sensible de Félicien David, "une âme qui s'ouvre et dit tout simplement ce qu'elle a à dire" (Camille Saint-Saëns).
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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