Livre : Opéra, entre Eros et Kratos

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Succès mitigé pour le dernier ouvrage de Dominique Jameux, que l’on sait pointu et sérieux. Pourtant, le sujet du livre a tout pour plaire : l’amour et le pouvoir chez deux compositeurs célèbres séparés de trois siècles, Monteverdi et Berg. Débutant sur un prologue et un propos, Jameux évoque les tenants et aboutissants d’une soirée à l’opéra. De la coupe de champagne de l’entracte aux célèbres critiques des chanteurs, l’auteur évoque avec familiarité les défauts de la machine de l’opéra. Certes, il a raison de dire que couper un opéra par des entractes est certainement une erreur. Lire le livret ou tout simplement réfléchir à ce qui vient de se dérouler sous nos yeux serait plus judicieux. Comment peut-on sortir de l’action alors qu’un personnage-clé vient de mourir ? Car finalement, qu’est-ce que l’opéra ? Jameux propose une analyse détaillée qui permettra au lecteur de mieux cerner les rouages de la machine, du livret à la forme de l’opéra. Quelques critiques ironiques dans un style parfois précieux apportent un peu d’humour dans ce prologue, notamment sur la mise en scène du chef d’orchestre en fin de spectacle. Son propos sur la qualité du livret est intéressant, moteur de la réussite ou non d’un opéra. Avec "La Force du Destin", Jameux évoque un livret moyen et une écriture musicale moins développée que dans d’autres opéras de Verdi. Alors que pour Carmen, Tosca ou Lulu, la richesse du livret suscite une composition exceptionnelle et le succès que l’on connaît. Jameux veut montrer qu'on ne connaît pas l’opéra hors le bref résumé de l’action dramaturgique. Les liens de parenté entre les personnages ou même les métiers de ceux-ci ne nous sont pas familiers. Et c’est à cela que sert le prologue, à remettre en place le regard de l’auditeur sur la scène.
Ce prologue ne trouve pas toujours sa place dans cet ouvrage. Le propos tente avant tout de tracer les parallèles entre les opéras de jeunesse de Monteverdi (Orfeo) et Berg (Wozzeck) et ceux plus tardifs (Couronnement de Poppée et Lulu). Pour le compositeur baroque, le postulat de base serait que le mythe d’Orphée se retrouve au sein d’autres opéras comme la Flûte enchantée de Mozart, Fidélio de Beethoven ou encore Tannhäuser, ce qui nous semble trop général. Bien sûr, les analyses de Jameux sont précises et pointues, davantage pour Berg que pour Monteverdi. Mais finalement, on regrette tant de discours inutiles (explications des livrets, présentation de chaque acte…). Etait-il nécessaire de présenter toute l’œuvre de Berg ou s’agit-il d’un simple remplissage ? Même chose pour les résumés d’actions.
L’ouvrage se termine sur une échappée où Jameux explique que certains opéras (Le Trouvère et Rigoletto) ne peuvent être produits, faute de finance et distribution, tandis que l’ouverture de l’opéra au grand écran (cinéma) pour un plus large public entraîne des conséquences sociales positives ou non. Quelques critiques également sur l'absence d’opéras du 20e siècle et le coût que l’opéra porte au collectif.
Voilà un ouvrage intéressant pour se familiariser à l’opéra mais qui n'apporte pas de réelle nouveautés au mélomane.
Ayrton Desimpelaere

2012, Edition Fayard, 198 pages, 19€

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