L’OPRL entre audace et raffinement

par

Gustav Mahler (1860-1922) : Blumine
Karl Amadeus Hartmann (1905-1963) : Kammerkonzert pour clarinette, quatuor à cordes et orchestre à cordes
Sergueï Prokofiev (1891-1953) :
Symphonie n°5 en si bémol majeur, Op. 100
Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Christian Arming, direction – Jean-Luc Votano, clarinette – Quatuor Danel

Une construction intelligente associée à une juste et limpide interprétation. Voilà en quelques mots le résumé de cette belle soirée offerte par l’OPRL dans le cadre de ses soirées de l’orchestre – Prestige. Devant une salle comble, Christian Arming s’est lancé dans un programme ambitieux avec une baguette colorée, dynamique, précise et qui ne transparaît à un seul instant d’éventuelles difficultés. Dans Blumine, une page courte d’une rare intensité (malgré l’écriture d’un jeune Mahler) tant la construction harmonique se fond dans des atmosphères toujours délicates, sujettes à une floraison de couleurs, le chef crée immédiatement une ambiance poétique, presque hors du temps. L’oreille est emmenée au plus près d’une pensée délibérément amoureuse d’un texte qui se veut aussi dans la parfaite lignée d’espoirs romantiques. L’orchestre est attentif, notamment en ce qui concerne la respiration de la ligne, des phrases en général et du discours dramatique. Rares sont les institutions qui programment des pièces du compositeur allemand, Karl Amadeus Hartmann. De fait, proposer au public une répertoire presque inédit est un risque, mais un risque qui paie. Il faut dire que l’homogénéité des cordes de l’OPRL épouse ici la quintessence de l’art du Quatuor Danel tout autant que le caractère bien trempé de Jean-Luc Votano qui adopte aussi une posture singulièrement chambriste et d’une douceur presque indicible tant elle nous touche au cœur. Christian Arming, comme l’orchestre, est sensiblement très à l’aise dans ce répertoire. Il laisse d’une part le quintette de solistes s’exprimer avec la liberté qu’il est possible d’offrir tout en accompagnant, d’autre part, ce même ensemble avec des intentions musicales marquées d’une grande réflexion sur la pluralité des dynamiques et les divers enchaînements d’épisodes parfois surprenants, du motif folklorique à l’introspection d’une clarinette énigmatique. La Rêverie orientale de Glazunov (bis offert par les solistes) fait enfin place à un sommet de la littérature musicale : la Symphonie n°5 de Prokofiev. Que dire si ce n’est que l’OPRL semble ici en pleine forme et en donne le meilleur du squelette architectural en quatre mouvements ? Chacun des pupitres se montre à la hauteur des attentes que l’on est en droit d’espérer, le tout dans la parfaite lignée de la direction de Christian Arming. Le son se veut volontiers mordant, piquant, sarcastique, tantôt apaisé, tantôt impétueux… Ce qui marque l’esprit aussi, c’est cette énergie constante qui ne s’essouffle jamais, avec ce qu’il faut de respiration et d’expressivité. Incontestablement, nous pouvons, par l’audace du programme et la justesse de ton, être fiers de nos artistes belges qui, sans aucun doute, brilleront à Lille dans la belle salle du Nouveau-Siècle où l’acoustique permettra à l’ensemble de se déployer et s’épanouir de la plus belle manière et saisir la balle au bond pour créer des couleurs avec encore plus d’imaginaires. Bravo !
Ayrton Desimpelaere
Liège, Salle Philharmonique, vendredi 16 mars 2018

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