L'oreille de Léon XV

par

0126_JOKERTHE LION'S EAR
Ensemble LA MORRA
Corina MARTI et Michal GONDKO, dir.
2016-65'35- présentation en anglais, allemand, français-textes en latin, italien et français, traduits en anglais, allemand et français- chanté en italien, latin, français- RAMEE RAM 1403

C'est un bien beau disque que nous présente L'ensemble La Morra consacré à la Renaissance italienne et- plus précisément- papale affichant d'entrée l'intention avec ce titre « Lion' s Ear »- l'oreille du lion (en italien Leo)... pape sous le nom de Léon X (1475-1521). Fils de Laurent de Medicis « le Magnifique », ce grand prélat musicien, mécène et compositeur insuffla une vie artistique remarquable à la cour qui l'entoura. Avec cet exceptionnel hommage à une haute figure de la Renaissance, nous plongeons dans le « monde légendaire perdu » de la Cour de « papa Lione ». Tout y respire la gaieté, la joie de vivre -en bonne compagnie et en pratiquant les arts- et, bien sûr, la musique. Tour à tour défilent devant nous des noms plus ou moins rares qui méritent, tous, notre attention : de Piacenza (1400-1476) à Cavazzoni (v.1490-v.1560), en passant par Canova da Milano (1497-1543), Bernardo Pisano (1490-1548). Sans oublier les Français admiré par Léon X lui même tel Jean Mouton (1455?-1522) et l'admirable Josquin des Prez (1450-1521). Fabuleux siècle créateur, œuvrant dans l'enthousiasme et transformant la musique moyen-âgeuse en explorations- en explosions, aussi- polyphoniques. Cet élan est perceptible dès le départ avec le « Lirum bilirum » de Mantovano (vers 1505-1511) avec de jolies combinaisons contrapuntiques et le jeu des quartes plein d'entrain d'Antoine Bruhier mort après 1521 (index 3) et que vont poursuivre tout au long de ce récital neuf, euphorique, bienfaisant jusqu'à l'index 23, les jolis timbres des luths, viola da mano, viola da gamba, flûtes et clavecin. Le bouleversant « Spem in alium » (index 8) qui devient tragique lorsque levant la tête, l'auteur contemple le Christ en croix... Bien que fort courtes, toutes ces pièces révèlent une beauté pure sans ostentation, une profondeur que l'on pourrait qualifier de « légère » car jamais accablantes, même dans les pages les plus engagées. On termine sur le « Salve Regina » de Josquin des Prez ( pas celui que l'on chante aujourd'hui à complies, et qui date du ...XVIIIe siècle) mais une page à cinq voix sans accompagnement instrumental : 6 minutes 42 de beauté paradisiaque. Chanteurs et instrumentistes se coulent naturellement et harmonieusement dans la douceur d'un répertoire mystérieusement lointain et proche à la fois. On comprend dès lors que ce disque ait reçu le Noah Greenberg Award de la Société américaine de musicologie. La rencontre du musicologue Howard Mayer Brown et de l'ensemble La Morra fait revivre comme en rêve la cour du protecteur des arts, pape « musicien entre tous les musiciens », Léon X.
Bénédicte Palaux Simonnet

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