Michel Legrand classique

par
Legrand

Michel LEGRAND
(°1932)
Concerto pour piano - Concerto pour violoncelle
Michel Legrand (piano), Henri Demarquette (violoncelle)
Orchestre Philharmonique de Radio France, dir.: Mikko Franck
2017-DDD- 63’38- Textes de présentation en français et anglais-Sony Classical 895393722

Après s’être illustré depuis si longtemps -et avec quel talent!- dans le jazz, la musique de film, la comédie musicale et la chanson, le toujours jeune octogénaire Michel Legrand livre maintenant au disque le témoignage de deux concertos récents qui représentent pour lui un retour à la discipline classique que lui enseigna, parmi d’autres, nulle moins que Nadia Boulanger dans les années de l’immédiat après-guerre au Conservatoire de Paris.
Dans le concerto pour piano, le compositeur montre qu’il reste un excellent pianiste avec une technique en béton sur laquelle les années ne semblent pas avoir prise. Les traits virtuoses dont l’oeuvre ne manque pas sont déclinés avec une virtuosité nonchalante qui impressionne. Dès le début, il est clair que Legrand prend son bien là où il le trouve. Le premier mouvement démarre en trombe et montre que le compositeur connaît bien le Ravel du Concerto en sol. Après ce début volubile, s’instaurent ensuite une transparence et une franchise qui rappellent davantage Roussel. Le deuxième mouvement comporte des passages lyriques qui tiennent un peu (trop) de la jolie musique qui ne dérange pas trop, mais on reconnaît la patte du compositeur de musique de film au lyrisme aisé et aux mélodies qui jaillissent facilement. Il faut cependant reconnaître que cette musique romantique et qui n’a pas honte de l’être ne réussit pas toujours éviter les clichés faciles, avec parfois un côté un peu sirupeux et vaguement rachmaninovien (mais sans le côté poignant du compositeur russe). En fait, le problème de Michel Legrand est qu’il travaille avec des mélodies plutôt que des thèmes, ce qui en rend le développement difficile et l’oblige à choisir la voie de la répétition, parfois lassante. Le finale est marqué par des ostinati très prokofiéviens à l’orchestre et une belle simplicité diatonique dans la partie soliste. Rappellent Prokofiev aussi, les traits ironiques aux bois et cuivres. Le côté parfois grinçant de la musique alterne avec des passages plus langoureux. Honnêtement, si l’on comprend sans peine que le compositeur-interprète a cherché à se faire plaisir, l’honnêteté oblige à dire que l’oeuvre est certes plaisante à écouter mais assez oubliable, et qu’on aimerait souvent quelque chose de plus ferme et de rigoureux plutôt que cette abondance de joliesses trop sucrées.
Le concerto pour violoncelle est lui nettement plus intéressant et substantiel. Dès le début, on apprécie une carrure à la Prokofiev, des formules rythmiques simples alternant avec des épisodes lyriques, et des ostinati tels qu’on les trouve dans le Premier concerto de Chostakovitch. Le deuxième mouvement voit triompher une fois de plus la facilité mélodique de Michel Legrand, même si, là aussi, on retrouve cette tendance à trop souvent répéter les phrases mélodiques, pour avenantes qu’elles soient. Le troisième mouvement est un mouvement perpétuel à la Chostakovitch très réussi, et le niveau de la composition s’élève ici nettement. S’ensuit une brève Sonate (en fait un bref mouvement de moins de trois minutes) où ce n’est plus l’orchestre mais un piano qui accompagne le violoncelle (la partie doit être tenue en principe par le chef d’orchestre). Ici, la musique a un parfum doux-   amer à la Poulenc, agrémenté par moments d’un petit parfum de jazz. L’oeuvre se conclut non pas par le mouvement brillant et virtuose qu’on attendrait, mais par une Plus que lente, morceau d’une grande pudeur et d’un lyrisme retenu dont les larges mélodies sont déclamées avec beaucoup de sensibilité et de finesse par Henri Demarquette, brillant soliste et dédicataire de l’oeuvre.
Dans sa contribution au livret, le chef Mikko Franck -qui laissa de si beaux souvenirs à la tête de l’Orchestre national de Belgique- ne tarit pas d’éloges sur les belles mélodies et les trouvailles harmoniques de ces partitions, mais les solistes sont à ce point mis en avant par la prise de son qu’on en est souvent réduit à deviner ce que fait un orchestre qui semble avoir été enregistré dans un autre studio.
Patrice Lieberman 

Son 10 (solistes)/4 (orchestre) - Livret 8 - Répertoire 6 (concerto pour piano)/8 (concerto pour violoncelle) - Interprétation 9

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