Mise en scène éblouissante et de référence

par

© Klara Beck

The Turn of the Screw à l'Opéra du Rhin
Magnifique ouverture de saison à l’Opéra National du Rhin (la dernière de Marc Clémeur comme directeur général) avec “The turn of the Screw” (la Tour d’écrou) de Benjamin Britten dans une mise en scène de Robert Carsen et dirigé par Patrick Davin.

Pour Carsen « The Turn of the Screw » est « probablement le chef d’œuvre de Benjamin Britten qui, en adaptant cette nouvelle fantastique de Henry James, a réussi à préserver l’ambiguïté du récit initial tout en composant une musique exceptionnelle qui prête une ambiance incroyable à cette histoire très mystérieuse et émouvante ». Et cette ambiance incroyable Robert Carsen l’a à son tour créé dans un spectacle envoûtant pour lequel il a non seulement réalisé la mise en scène et les lumières (avec Peter Van Praet) mais aussi, pour la première fois, les décors et costumes (avec Luis Carvalho). Nous sommes dans les années trente (costumes) et les décors en camaïeux de grisés nous montrent un Bly (la demeure isolée où vivent les enfants dont la gouvernante doit s’occuper) au intérieurs spacieux, froids et vides dominés par des portes tandis que des projections évoquent le monde extérieur, le parc, les nuages. L’atmosphère est magique et hallucinante. Dans le prologue le narrateur nous propose une projection de diapositives pour illustrer l’histoire qu’il va raconter. Nous voyons des images de la gouvernante et du mystérieux tuteur des enfants qui l’embauche et puis magistralement l’image commence à vivre et devient un film en noir et blanc montrant la gouvernante dans le train et se demandant (comme un monologue intérieur) si elle sera à la hauteur de sa mission (Vidéo Finn Ross). Un autre film, projeté sur un écran transparent, nous montrera plus tard les cauchemars de la gouvernante (prisonnière dans son lit vertical) et la relation de Quint et Miss Jessel, enlacés nus dans une scène sexuelle torride, la « cérémonie de l’innocence » dont Miles et Flora sont les témoins fascinés. Références cinématographiques aussi dans le découpage du plateau en cadre d’image qui s’ouvre et se ferme pour les différentes scènes. Avec cette combinaison de film et de théâtre (la direction d’acteurs est excellente) Carsen nous tient en haleine et réalise une mise en scène de référence. Et la distribution s’intègre parfaitement dans cette interprétation sans faille. Heather Newhouse est une Gouvernante jeune et pleine d’idéalisme, inconsciemment amoureuse du tuteur mystérieux des enfants, et décidée de les sauver des esprits maléfiques et chante d’un soprano homogène et expressif. Anne Mason campe une Mrs Grose maternelle et soucieuse à la voix chaude. Cheryl Barker est une Miss Jessel non seulement vocalement séduisante (cérémonie de l’innocence) et mystérieuse. Nikolai Schukoff combine les rôles du narrateur (projection claire tu texte) avec celui de Peter Quint, veule séducteur démoniaque, qu’il donne un ténor clair et souple. Les enfants Miles et Flora étaient très bien défendus par Philippe Tsouli et Odile Hinderer. Patrick Davin dirigeait les 13 musiciens de l’orchestre symphonique de Mulhouse dans une exécution captivante et bien structurée, faisant attention aux chanteurs et réalisant les couleurs et finesses de la partition tout en créant une atmosphère empressée.
Erna Metdepenninghen
Strasbourg, le 21 septembre 2016       

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