Mitsuko Ushida, l'orfèvre du clavier

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Rarement un piano déploie autant de couleurs. Mistsuko Ushida se fait orfèvre du clavier pour nous dire Schubert. Trois sonates étaient au rendez-vous ce 12 novembre à la Philharmonie de Luxembourg : la n°19 en ut mineur D. 958 (1928), la n°13 en la majeur op. 120 D. 664 (1819) et la n°78 D. 894, "Sonate Fantaisie" de 1826, soit une des trois sonates de sa dernière année de vie, la poétique et fraîche sonate d'un jeune homme de vingt-deux ans et la Fantaisie truffée d'alternances quasi improvisées. 

Dans son excellent texte du programme offert gracieusement au public, Corinne Schneider reprend quelques témoignages qui viennent corroborer l'interprétation que la pianiste nous propose. Robert Schumann : "Quiconque a tant soit peu de sentiment et de culture reconnaîtra et distinguera dès les premières pages Beethoven et Schubert [...] Schubert est vis-à-vis de Beethoven comme un enfant qui joue sans souci entre les jambes du géant [...] Il est le plus hardi et le plus libre d'esprit parmi les musiciens modernes" (1838). Wilhelm Kempff qui fut un des maîtres de la pianiste japonaise, européenne dès ses douze ans : "Pas d'angles, pas d'arêtes vives chez Schubert. La fluidité, le jaillissement ininterrompu, tant chantés dans ses Lieder, était une partie de son être". Et le récital de ce soir rejoignait totalement ces points de vue à propos du compositeur qui, exact contemporain de Beethoven admirait son oeuvre au point de l'inhiber. Mais à l'ombre du Grand Mogol, inlassablement, Schubert a bâti son oeuvre, "jaillissement ininterrompu" d'interrogations, d'angoisses, de tendresse, d'apaisement, de douleur. Mitsuko Ushida se coule dans le temps schubertien, en déroule le chant en périodes qui se suivent de façon organique, chacune portant son timbre, sa couleur, sa dynamique allant de l'infime pianissimo au double forte, ou travaillant un crescendo sur quelques notes. Elle ose les respirations pour nous offrir Schubert sur un plateau d'or. De la très haute couture. Dans les deux premières sonates, elle semble ne pas en porter le vêtement. Ce dernier, elle le portera dans la Fantaisie totalement investie. Le silence dans la salle ne trompe pas, ni le temps que la pianiste prend pour sortir de son rêve. "Standing Ovation". Difficile de s'investir davantage encore pour un "bis". Pour répondre à son public, une très courte pièce minimaliste où l'on pouvait encore apprécier son incomparable toucher. 
Bernadette Beyne
Luxembourg, La Philharmonie, Grand Auditorium, le 12 novembre 2017

Mutsiko Ushida poursuivra son périple Schubert à la Philharmonie le 29 janvier prochain. Au programme,  les sonates D. 575, D. 845 et D. 850 

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