Modigliani colore Haydn

par

JOKERFranz Joseph Haydn (1732-1809)
Quatuor en sol majeur op. 76 n°1 Hob.III.75 - Quatuor en si bémol majeur op. 50 n°1 Hob.III.44 - Quatuor en sol majeur op. 77 N°1 Hob.III.81
Quatuor Modigliani (Philippe Bernhard violon, Loïc Rio violon, Laurent Marfaing alto, François Kieffer violoncelle
2014 -DDA - 64' – Livret de présentation en français, anglais, allemand - Mirare MIR 231
Haydn a écrit 68 quatuors à cordes grâce auxquels il s'inscrit dans l'histoire de la musique non seulement comme le père fondateur mais aussi comme grand spécialiste du genre ayant inspiré ses successeurs, Mozart et Beethoven en tête mais aussi les romantiques et les compositeurs du XXe siècle. Il transpire de ces oeuvres une grande force créatrice, originale et moderne. Les trois quatuors proposés ont été écrits entre 1787 et 1800. Haydn est déjà un compositeur reconnu et apprécié. Il n'a plus rien à prouver et sa situation matériel lui permet de se consacrer pleinement à son art. Son espièglerie, son inventivité tant sur le plan formel, harmonique, rythmique et dans l'asymétrie de ses phrases musicales donnent à sa musique une dynamique qui ne cesse de surprendre et séduire à la fois l'auditeur et l'interprète. Le quatuor en sol majeur opus 76 n°1 inaugure la dernière série de 6 quatuors terminée par Haydn. Le musicologue contemporain du compositeur Charles Burney écrivit ceci à propos de cet opus : « Je n'ai jamais reçu plus de plaisir de la musique instrumentale. Ces quatuors sont pleins d'invention, de fougue, de bon goût, d'effets nouveaux et semblent l'oeuvre non pas d'un génie qui a déjà tant écrit si bien, mais d'un génie aux talents hautement cultivés, qui n'a encore rien dépensé de son ardeur auparavant. » On ne saurait dire mieux ! Le premier mouvement s'ouvre sur un style fugato dansant et joyeux. Haydn gère les quatre parties de son quatuor avec virtuosité, passant du style contrapuntique à une écriture plus verticale et à la mélodie accompagnée sans rien perdre de l'homogénéité et du naturel du discours musical. En obtenant un équilibre entre clarté et fluidité formelle et les ruptures incessantes dans les différents paramètres du langage il définit l'essence même de ce que nous appelons le classicisme viennois. Voici l'occasion pour nos fidèles lecteurs de s'amuser avec un quizz musical : Haydn cite brièvement et habilement son cher ami Mozart à la fin du premier mouvement. De quelle oeuvre s'agit-il ? Après un second mouvement au lyrisme paisible, le menuet est caractérisé par son thème rythmique dont l'énergie et le tempo ont déjà tout du scherzo. Ce thème de 10 mesures nous surprend par sa longueur et ses accents FF inattendus à la neuvième mesure. Le dernier mouvement débute dans l'étonnante tonalité de sol mineur contraire à l'usage classique. Haydn nous réserve une surprise avec une modulation libératrice habilement soulignée par un apaisement rythmique.
Datant de 1787, le quatuor op. 50 n°1 est dédié comme tout cet opus à Frédéric Guillaume II de Prusse, dont le surnom de « prussiens » donné à ces six quatuors. On est charmé par la beauté et le lyrisme du second mouvement qui est un thème et variations. Le menuet démontre la maîtrise rythmique de Haydn. Il joue avec la mesure en trois temps par sa conduite polyphonique et le déplacement des accents créant des ambiguités entre le trois temps et le deux temps, entre le menuet et la gavotte. Le finale est exubérant, volubile et joyeux.
Le quatuor en sol majeur opus 77 n°1 est contemporain des six premiers quatuors op. 18 de Beethoven et ils partagent le même dédicataire, à savoir le Prince Lobkowitz. Haydn, épuisé par l'écriture de son oratorio Les Saisons, ne pourra finir ce cycle de 6 quatuors. Il n'en terminera que deux. Le troisième, inachevé est connu sous le numéro d'opus 103.
Le quatuor Modigliani n'est plus à présenter. Formé par quatre pensionnaires du CNSM de Paris, il s'inscrit dans la lignée des grands quatuors à cordes, de Pro Arte au quatuor de Budapest, Amadeus ou encore Tokyo et Hagen. Ce disque ne déçoit pas. L'esprit du compositeur y est intact à travers une maîtrise technique où s'expriment l'effervescence rythmique et la joie volubile décrite ci-dessus. On sent une grande recherche de rondeur sonore ou le lyrisme ne doit pas se perdre dans l'énergie. L'héritage de la tradition est là mais le quatuor Modigliani apporte son originalité sans trahir le texte. Leur interprétation est certainement un bon complément aux enregistrements du quatuor Amadeus.
Michel Lambert
Son  9 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 9,5

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