Musicien, ministre et héros

par

Ignacy Jan PADEREWSKI
(1860 - 1941)
24 MELODIES
Anna RADZIEJEWSKA, mezzo-soprano, Karol KOZTOWSKI, ténor, Agnieszka HOSZOWSKA-JABLONSKA, piano
2016-DDD-60'39- présentation en polonais et anglais-textes en polonais, français et anglais-chanté en polonais et français - DUX 1246

Dans la série des souverains-compositeurs -d'Alphonse Le Sage à Henry VIII et Louis XIII ; de Philippe d'Orléans à Antoine Ier de Monaco et Frédéric II de Prusse- Ignace Paderewski occupe une place assez singulière. En effet c'est après avoir exercé une fabuleuse carrière de pianiste-compositeur qui fit de lui le plus grand virtuose des années 1900 aussi bien en Europe qu'en Amérique et en Australie, qu'il devint (1919) président du Conseil et ministre des Affaires étrangères de Pologne. Aussi exceptionnel orateur que pianiste, il ne cessa d’œuvrer avec une générosité inaltérable en faveur de sa chère Pologne alors que le sort du peuple martyr se jouait des deux côtés de l'Océan. Son art à la fois brillant et réservé s'appuie souvent sur des thèmes folkloriques polonais -montagnards notamment- et s'inscrit dans un romantisme à la fois vibrant et assagi, non dénué d'ailleurs de beautés singulières basées sur une discipline intellectuelle, une volonté d'extraversion maîtrisée. Les coloris sombres, puissants et la sauvage vitalité de son unique opéra Manru (voir https://www.crescendo-magazine.be/2012/12/manrulopera-de-paderewski/) y trouvent un écho apaisé, subtil, intime et parfois déchirant. La rhétorique pianistique très figurative (« La Nonne » par exemple index 19) s'épanouit dans l’irrésistible flux d'une dynamique passionnée. Certes, les textes sur lesquels s'appuient ses compositions ne sont pas dépourvus d'une ferveur âpre (Adam Asnyk ou Adam Mickievicz, l'ami de Chopin) voire d'une grandiloquence dans l'expression des émois amoureux (Catulle Mendès) qui peut nous sembler étrange aujourd'hui. Mais c'est aussi ce caractère insolite qui en fait l'intérêt. L'interprétation pleine de goût, de simplicité, de couleurs du ténor Karol Kozlowski y contribue beaucoup. On n'en dira pas autant de la mezzo Anna Radziejewska à laquelle est confiée plus de la moitié du récital. Non que la beauté du timbre ou l'art du chant ne servent ces pages composites, mais la tension intérieure quasi constante enlève beaucoup de liberté à la matière musicale. Tandis qu'un constant vibrato, exacerbé à l'extrême, compromet le charme sinueux de la ligne vocale. En outre, la diction française des plus exotique rend incompréhensibles les poètes français. De son côté, le piano flottant et volubile d'Agnieska Hoszowka-Jablonska, traduit avec simplicité ces pages inconnues.
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 7 - Livret 7 - Répertoire 9 - Interprétation 8

Les commentaires sont clos.