Musique, délices et orgues pour l'ouverture de la saison à Bozar

par
Hugh Wolff

Belgian National Orchestra
Hugh Wolff (direction)
Ambiance des grands soirs au Palais des Beaux-Arts où le concert d’ouverture de la saison 2017-2018 présentait au moins trois attractions: la prise de fonctions officielle du chef Hugh Wolff, nouveau directeur musical de l’Orchestral National de Belgique (dorénavant rebaptisé Belgian National Orchestra - il paraît que ça fait plus moderne), la très attendue création mondiale du concerto pour orgue et orchestre de Benoît Mernier, et la plus attendue encore ouverture du Festival InORGuration pour saluer le dévoilement officiel du nouvel orgue de la Salle Henry Le Boeuf après près d’un demi-siècle d’attente.
Autant le dire tout de suite, les attentes ne furent pas déçues. Le Concerto de Mernier, brillamment défendu par l’excellent Olivier Latry, est une réussite. Organiste lui-même, Benoît Mernier était sans aucun doute le meilleur choix possible pour se voir confier une telle mission. C’est de magistrale façon qu’il imbrique l’intrument-roi dans un orchestre aux couleurs rutilantes et festives, faisant la part belle aux vents. Dans le premier mouvement Vif, on pense par moments au Ravel de Daphnis, alors que le Calme et souple médian évoque davantage Messiaen par ses mélodies sereines où l’orgue se voit associé aux vents et aux percussions. Le Vif et léger final enchante par son sens de la couleur orchestrale et les fréquents mariages orgue-cuivres, alors que la cadence met en valeur la virtuosité du soliste. L’oeuvre -dont on espère qu’elle sera rapidement enregistrée- fut chaleureusement accueillie par le nombreux public, et l’excellent Olivier Latry -dont on rappellera qu’il est titulaire du Grand Orgue de Notre-Dame de Paris- offrit en bis une sensationnelle et décoiffante transcription de la Danse macabre de Saint-Saëns, preuve -si besoin en était- que l’orgue a bien sa place dans la salle de concert.
Cette soirée allait se poursuivre par un autre morceau de choix, le Concerto pour piano pour la main gauche de Ravel, où le soliste Pierre-Laurent Aimard dut partager la vedette avec le piano Chris Maene, un magnifique instrument du facteur belge. Le programme ne livrant aucune précision à ce sujet, on ne peut qu’espérer que ce bijou sera dorénavant présent de façon permanente sur la scène de Bozar. Chef, orchestre et soliste s’associèrent pour une magnifique version de ce chef-d’oeuvre ravélien si particulier, et ce dès les intimidants grondements du contre-basson qui ouvrent l’oeuvre. La cadence fut magistrale et Aimard tira le maximum du superbe Maene. Le chef sut parfaitement instaurer l’ambiance menaçante du début, tout comme il donna l’élan requis aux passages typés jazz qu’on retrouve dans l’oeuvre. En guise de bis, le pianiste français, après avoir témoigné sa satisfaction d’avoir pu se produire sur ce si bel instrument, offrit à un public agréablement surpris quatre des Notations de Pierre Boulez.
Après avoir brillamment soutenu les solistes invités, l’Orchestre National et son nouveau directeur musical étaient attendus avec plus qu’un peu d’intérêt dans la Symphonie Héroïque de Beethoven, oeuvre qui ne pardonne rien. Et c’est peu dire que chef et musiciens se montrèrent à la hauteur de la tâche. Si l’interprétation de Hugh Wolff n’est peut-être pas de celles qui marquent à jamais l’auditeur, elle se révéla néanmoins très satisfaisante. On apprécia dès le début la sincérité et l’absence de vanité du chef américain, tout comme sa compréhension de la logique symphonique avec ses tensions et détentes, ce qui nous valut un Allegro con brio introductif fermement tenu et d’un seul tenant. Dans la Marche funèbre, le chef -parfaitement suivi tout au long de l’oeuvre par un orchestre visiblement impliqué et soucieux de bien faire- parvint à maintenir la tension de bout en bout. Le Scherzo fut vif et enlevé, et le Finale le tourbillon exaltant qu’il doit être. Pour ce qui est de l’esthétique sonore retenue par Wolff dans cette oeuvre, on peut la qualifier de traditionnelle, reposant sur une ferme et chaude assise de cordes (peut-on d’ailleurs savoir pourquoi les violoncellistes de l’ONB n’étaient que sept?) où le chef accorde beaucoup d’attention aux voix intermédiaires (deuxièmes violons et altos), et où s’insèrent des vents relégués un peu à l’arrière-plan (alors que la tendance actuelle -qui découle naturellement de l’influence de l’interprétation historiquement informée- est de les mettre davantage en évidence).
Patrice Lieberman
Bruxelles, Bozar, le 15 septembre 2017

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