Musique et politique

par

0126_JOKERLudwig van BEETHOVEN (1770 - 1827)
Concerto pour violon opus 61
Antonin DVORAK (1841 - 1904)
Symphonie n° 9 opus 95
Nicolai RIMSKY-KORSAKOV (1844 - 1908)
Shéhérazade opus 35
Alexandre BORODINE (1833 - 1887)
Symphonie n° 2
Kyung Wha CHUNG (violon), Orchestre Philharmonique de Vienne, Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, dir.: Kirill KONDRACHINE
1979-1980-ADD et DDD-42'43, 71'28 et 45'05-Textes de présentation en allemand et anglais-Decca 478 6721 (3 cd)

La défection de Kirill Kondrachine, lorsqu'il quitta l'URSS, passa à l'Ouest et s'installa à Amsterdam en décembre 1978, fit grand bruit de notre côté du rideau de fer. L'une des plus grandes figures de la direction d'orchestre russe, il était en effet une personnalité des plus respectées, presque une légende vivante, à l'instar de Mravinski à Léningrad ou de Svetlanov à Moscou, ou Golovanov, Nebolssine et Samosud une génération plus tôt. S'il s'était produit à de très rares occasions en Occident dans les années 60, l'Europe put ainsi découvrir dès lors bien plus fréquemment, tel qu'en lui-même : un chef animé d'un romantisme échevelé et pourtant d'une rigueur absolue, ne versant jamais dans la vulgarité ni dans le grand guignolesque. Cette situation inespérée prit fin brutalement et bien trop tôt avec son décès en mars 1981. Que nous reste-t-il de ses dernières années? Essentiellement des bandes de concert à la tête du Concertgebouw, de l'orchestre de la radio bavaroise ou de la SWR, restituées par Philips, qui lui consacra une édition de huit disques dans les années 1990, Tahra, BR, RCO ou Hänssler. Rares furent les gravures réalisées en studio; ce sont pourtant certaines de celles-ci qui sont rassemblées aujourd'hui dans ce petit coffret de trois disques. Nous y trouvons un concerto pour violon de Beethoven assez timide avec Kyung-Wha Chung, qui ne marqua guère la discographie, ainsi qu'une Nouveau monde de Dvorak raffinée mais assez froide, ces deux disques réalisés avec le très policé Philharmonique de Vienne, orchestre dont, sans doute, la tradition classique ne pouvait s'accorder au mieux avec le profond caractère slave du chef russe. En fin de compte, tout l'intérêt de cette compilation réside dans le dernier disque. Mais quel disque! Cette Shéhérazade réside depuis sa parution au sommet des interprétations de cette oeuvre. Si Reiner reste incontournable pour son chic inimitable et Golovanov pour sa folie et sa poésie, Kondrachine s'impose par son lyrisme, son classicisme et la superbe tenue du Concertgebouw. Et ce n'est pas tout: l'éditeur a eu la bonne idée de compléter ce cd par une géniale 2ème symphonie de Borodine, déjà parue dans l'anthologie Philips pré-citée, l'une des trois versions majeures de l'oeuvre, aux côtés de Golovanov, totalement déchaîné, et de Kubelik qui fait rutiler de mille couleurs un Philharmonique de Vienne au sommet de sa forme. Le chef russe se situe en quelque sorte à mi-chemin entre ces deux optiques, ce qui lui donne un équilibre idéal. Le joker va donc à un seul disque sur trois mais le prix doux du coffret permet de s'accommoder sans trop de mal des deux autres, nullement indignes par ailleurs.
Bernard Postiau

Son 9 - Livret 1 - Répertoire 10 - Interprétation 6 à 10

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