Orient-Occident: une relation bien plus qu’exotique

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Le Festival de Wallonie avait tracé la ligne directrice de son édition 2016 avant que l’actualité ne prenne un tournant dramatiquement en adéquation avec la thématique “Orient-Occident”. En découvrant ce thème, on pouvait certainement s’attendre à des choix de programmation intéressants de la part des différents festivals participants, notamment au Festival Musical de Namur qui s’est clôturé ce samedi 9 juillet.“L’Occident serait aujourd’hui le gardien de valeurs démocratiques que l’Orient ignore ; l’Orient serait complexe, barbare, violent, érotique, fascinant, selon les points de vue. Il y aurait pour certains l’Occident des lumières, pour d’autres l’Orient des mystères. C’est oublier à quel point ces deux directions, ces deux mondes soi-disant distincts, non seulement communiquent, échangent, mais sont imbriqués l’un dans l’autre. Il y a de l’Orient dans l’Occident et inversement.”, écrit Mathias Ernard, invité d’honneur du Festival Musical de Wallonie (*). Sans pour autant se lancer dans des discours politiques, la branche namuroise du festival s’inscrit tout à fait dans cette optique. Il faut féliciter le sérieux travail de recherche investi dans la présentation de certains concerts. Le résultat: des évènements chargés de sens et rarement limités à l’unique statut de divertissement “orientalisé”.
Bien sûr avec ce thème, impossible d’éviter une certaine dose de “Turqueries” et autres oeuvres de compositeurs européens cherchant à donner une teinte “exotique” à leur musique. Seuls deux concerts présentaient un tel répertoire: les Agrémens régalèrent ainsi les gourmands d’opéra du XVIIIe tandis qu’Elise Gäbele offrit un excellent récital de lieder allemands romantiques et post-romantiques sur des textes de Tagore (poète et écrivain indien du XXe siècle). Il aurait été facile de multiplier de tels programmes mais à Namur, on a accordé un maximum d’importance à des représentations de l’Orient plus authentiques que le fantasme des Occidentaux. Une grande ligne directrice fut celle de la musique baroque, dont les timbres instrumentaux et les techniques d’ornement présentent un excellent point de rencontre avec les traditions orientales.
Comme l’a rappelé Jean-Marie Marchal, le directeur artistique du Festival Musical de Namur, un festival n’est pas une saison musicale. Le but est ici de donner un coup de projecteur sur quelque chose de très particulier. Plus qu’un prétexte, l’idée d’une thématique est très nourrissante, donnant lieu parfois à des créations toutes neuves.
C’est le cas par exemple de la Franco-Iranienne Ariana Vafadari à qui le festival a donné carte blanche pour présenter des créations toutes personnelles inspirées des Gathas (textes du zoroastrisme, religion monothéiste de la Perse antique) et des radifs ou gammes orientales. Une voix de poitrine ancrée dans les racines iraniennes de la chanteuse, et un lyrisme occidental très présent dans la voix de tête, le tout couronné d’une touche de jazz…
N’oublions pas de mentionner à nouveau les 2 oratorios de Falvetti (redécouverts au XXIe siècle) dirigés par Leonardo García Alarcón qui nous emmenèrent en Sicile baroque tout comme Cappella Romana qui nous a transportés au Moyen-Age sur l’île de Chypre. Alors que le loufoque trio de Jasmin Toccata manipulait le baroque avec une liberté digne d’une session d’impro de jazz, l’ensemble Scherzi Musicali fut tout aussi touchant avec ses interprétations historiques d’oeuvres autour de la “pêcheresse” Marie-Madeleine.
Le festival saisissait aussi l’occasion de mettre en lumière des jeunes talents tels Kamil Ben Hsaïn Lachir et Aurore Bureau, étudiants de l’European Vocal Department de l’IMEP qui furent les solistes du concert des Agrémens sous la direction de Guy Van Waas.
Une autre première fut celle du concert de clôture: “L’orgue du Sultan” réunissant pour la première fois l’ensemble baroque de L’Achéron et l’Ensemble Sultan Veled. Les différences entre les deux univers, d’abord criantes, devinrent ensuite si floues que l’on avait parfois du mal à identifier l’origine de l’oeuvre qu’ils interprétaient ensemble : élisabéthaine ou ottomane, le jeu se proposait aux auditeurs. Neuf jours de rencontres musicales qu’on aimerait toutes mentionner, plus intéressantes les unes que les autres, chacune à sa manière, se clôturent ainsi en beauté.
Aline Giaux, Reporter de l’Imep,
Festival Musical de Namur, du 1er au 9 juillet 2016

Le Festival de Wallonie se poursuit jusqu’au mois d’octobre. Certains programmes de l’édition 2016 de Namur seront proposés dans d’autres villes (infos : www.festivaldewallonie.be)

(*) source : https://www.festivaldewallonie.be/fr/accueil/festival-de-wallonie/1519-mathias-enard-invite-d-honneur-du-festival-de-wallonie

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