Premier disque de Joë Christophe : la clarinette sensible et intelligente qui n’a pas attendu le nombre des années

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Idylle. Joseph Horovitz (*1926) : Sonatina for clarinet and piano. Philippe Gaubert (1879-1961) : Fantaisie. Claude Debussy (1862-1918) : Petite Pièce ; Première Rhapsodie. Mark Simpson (*1988) : Three Pieces for solo clarinet. Rebecca Clarke (1886-1979) : Morpheus pour alto et piano (transcr.). Francis Poulenc (1899-1963) : Sonate pour clarinette et piano. Eugène Bozza (1905-1991) : Idylle. Joë Christophe, clarinette. Vincent Mussat, piano. Février 2021. Livret en anglais, allemand, français. TT 62’20. Genuin GEN 21721

Karl Böhm au festival de Lucerne 

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Paul Hindemith (1895-1963) : Concerto pour vents, harpe et orchestre ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°7 en mi majeur WAB 107. Werner Tripp, flûte ; Gerhard Turetschek, Hautbois ; Ernst Pamperl, basson ; Hubert Jelinek, harpe. Wiener Philharmoniker, Karl Böhm. 1964 et 1970. Livret en anglais, allemand et français. 78’13’’. Audite 95.649. 

Les offrandes amoureuses de la pianiste Angela Hewitt

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Love Songs. Robert Schumann (1810-1856), arr. Franz Liszt (1811-1886) : Liebeslied ‘Widmung’ S566 ; Frühlingsnacht. Robert Schumann, arr. Leopold Godowski (1870-1938) : Du bist wie eine Blume op. 25 n° 4. Franz Schubert (1797-1828), arr. Franz Liszt : Ständchen ‘Leise flehen’, seconde version S560 n° 7. Franz Schubert, arr. Gerald Moore (1899-1987) : An die Musik D547. Richard Strauss (1864-1949), arr. Walter Gieseking (1895-1956) : Freundliche Vision op. 48 n° 1. Richard Strauss, arr. Max Reger (1875-1916) : Morgen ! op. 27 n° 4 ; Nachtgang op. 29 n° 3 ; Allerseeelen op. 10 n° 8 ; Cäcilie op. 27 n° 2. Christoph Willibald Gluck (1714-1787), arr. Wilhelm Kempff (1895-1991) : Lamentation d’Orphée & Danse des esprits, d’après Orfeo e Euridice. Gottfried Heinrich Stölzel (1690-1749), arr. Angela Hewitt (°1958) : Bist du bei mir, tiré de Diomedes. Gustav Mahler (1860-1911), arr. Angela Hewitt : Adagietto de la Symphonie n° 5. Edvard Grieg (1843-1907) : Dernier printemps op. 34 n° 2 ; Ich liebe dich op. 41 n° 3. Gabriel Fauré (1845-1924), arr. Percy Grainger (1882-1961) : Nell op. 18 n° 1. Manuel de Falla (1876-1946), arr. Ernesto Halffter (1905-1989) : Siete canciones populares españolas, extraits. George Gershwin (1898-1937), arr. Percy Grainger : Love walked in. Percy Grainger, arr. Alexander Siloti (1863-1949) : Irish tune from County Derry. Angela Hewitt, piano. 2020. Notice en anglais. 75.57. Hyperion CDA68341.

Ouverture mémorielle à l’OPMC : Beethoven par Kazuki Yamada

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L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo nous offre pour débuter cette nouvelle saison un monument de la musique classique : la Symphonie n°9 de Beethoven.

Le programme de ce concert était prévu la saison passée, mais pour des raisons sanitaires il était impossible de faire venir le Chœur de l'Orchestre Symphonique de Londres comptant plus de 80 chanteurs.

Ce concert d'ouverture de la saison 2021-22 se couvrait d’émotion car l'événement  était dédié au Maestro Gianluigi Gelmetti, ancien Directeur artistique et musical de la phalange et chef honoraire depuis 2016, qui nous a quittés au mois d'août. Trait d’union dans l’histoire de l’orchestre : c’est  Gelmetti qui avait dirigé, il y a 8 ans, cette symphonie de Beethoven pour la dernière fois à Monaco. 

Dans  un texte publié dans  le programme, Kazuki Yamada rend hommage à son prédécesseur qu'il a entendu à l'âge de 16 ans lors d'une tournée au Japon et qui l'a inspiré à se lancer dans la direction d'orchestre. Après une minute de silence, le concert commence par l'ouverture Léonore II de Beethoven que Kazuki Yamada dirige avec énergie, vigueur et éloquence. 

Dès les premières mesures de symphonie, Yamada se montre en très grande forme et fait briller l'orchestre de tous ses feux. L'introduction provoque un sentiment d’attente, de mystère et d’interrogation et l'orchestre se déploie progressivement d'un pianissimo dans un grand crescendo, guidé par une direction qui gère les gradations avec le sens du drame requis :  c'est vigoureux, imposant et majestueux. Tout au long de la partition, le maestro japonais cerne l’esprit des mouvements ciselant les interventions solistes avec le sens des couleurs requises.  

Hervé Billaut et Guillaume Coppola à quatre mains dans une Espagne vue de France

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Manuel de Falla (1876-1946) : Deux danses espagnoles (extraites de l’opéra La Vida breve – transcription pour piano à 4 mains de Samazeuilh) – Maurice Ravel (1875-1937) : Rapsodie espagnole (version originale pour piano à quatre mains) – Mel Bonis (1858-1937) : Habanera (extrait de Pièces à 4 mains, op. 130/5) ; Les Gitanos, op.15–2 – Vincent d’Indy (1851-1931) : Seguidilla à l’Alameda de Séville (extrait de Sept chants de terroir, op.73/3) – Moritz Moszkowski (1854-1925) : Nouvelles danses espagnoles, op.65 – Gabriel Fauré (1845-1924) : Le Pas espagnol (extrait de Dolly, Six pièces, op. 56/6) – Emmanuel Chabrier (1841-1894) : España, rapsodie pour orchestre (transcription pour piano à 4 mains par André Messager). Hervé Billaut et Guillaume Coppola, piano à quatre mains. 2020. 52m 03s. Livret en français et en anglais. Eloquentia EL2158.

Widor, intégrale de l’œuvre d’orgue sur trois Cavaillé-Coll et principalement à La Madeleine

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Charles-Marie Widor (1844-1937) : les dix Symphonies opus 13, 42, 70, 73. Suite latine Op. 86. Trois Nouvelles Pièces Op. 87. Bach’s Memento. Marche Américaine (trans. M. Dupré). Marche Nuptiale (Conte d’avril no 6). Joseph Nolan, orgues de l’église La Madeleine de Paris, de la Basilique Saint-Sernin de Toulouse, de l’église Saint-François de Sales de Lyon. Mai 2011, mai 2013, mai 2014 (réédition). Livret en anglais. Coffret de 8 CDs. TT 459’. Signum SIGCD596

Clara Inglese à propos du festival "Les Voix en ville"

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La soprano Clara Inglese est la cheville ouvrière du festival "Les Voix en ville", prolongement de la dynamique asbl "Lettres en voix". Organisé à Bruxelles du 1er au 3 octobre, il propose une affiche intéressante et contrastée, lien entre la musique et le domaine des lettres.  

Quelle est l’ambition de ce festival ? Pourquoi avez-vous souhaité mettre en lien les lettres et les voix au fil des concerts ? 

Le festival se veut avant tout un vivier d’art, de culture, de littérature et de musique, un lieu où la voix et les lettres se rencontrent et font naître de nouveaux horizons sur le plan de la création. C’est la vocation de l’association "Lettres en Voix" qui organise l’événement et que nous avons co-fondée avec Myriam Watthee-Delmotte et Estelle Matthey en 2014. Depuis lors, nous avons eu l’occasion de créer des spectacles, des concerts, d’organiser des rencontres littéraires, des ateliers d’écriture et voix, ou encore des conférences. L’idée de lancer un festival s’est dessinée progressivement dans la perspective de vivre au plus près du public cette alliance de l’art vocal et de la littérature. Le texte offre une voie d’entrée particulièrement riche dans la musique vocale, tandis que la musique vient nuancer la couleur d’un texte. C’est ce que nous souhaitons mettre à l’honneur dans notre programmation cette année, qui propose quatre concerts à l’Église Notre-Dame au Sablon, des capsules littéraires filmées par Zoé Tabourdiot dans des lieux emblématiques de Bruxelles, et un ciné-poème réalisé par Jean-Philippe Collard-Neven avec l’écrivain Yannick Haenel, et qui sera diffusé sur notre site internet en apothéose du festival. 

Quels sont les fils rouges de la programmation 2021 ? 

Les "scènes d’éblouissement" sont le fil rouge principal de cette édition. Car il nous a semblé que chacun a bien besoin de régénérer ses énergies positives en cette période d'épreuves diverses. Nous souhaitions évoquer un nouvel élan, un nouveau départ dans la renaissance ou la continuité, selon les échos que chacun pourrait y trouver, pourvu que cela puisse procurer lumière et émerveillement. Nous avons choisi d’investir l’eglise Notre-Dame au Sablon, grâce au concours de la fabrique d’église, en ouvrant au public l’expérience musicale qui s’y déroule depuis une dizaine d’années avec une équipe de chanteuses (Elise Gäbele, Aveline Monnoyer, : Maria Portela Larisch et moi-même) et d’organistes (Benoît Mernier, Roland Servais, Arnaud Van De Cauter) dans le cadre des offices. Les deux orgues (l’orgue de tribune Goynaut-Westenfelder, datant de 1764, et l’orgue de chœur installé dans la nef en 2011 par le facteur Rudi Jacques) et l’acoustique permettent aux musiciens et au public de jouir d’un répertoire diversifié, allant de la musique renaissante baroque à la musique contemporaine. Nous souhaitions également faire connaître ces potentialités aux étudiants du Conservatoire Royal de Bruxelles, qui gravitent autour du Sablon en passant d’une antenne (rue de la Régence) à l’autre (rue du Chêne). C’est pourquoi nous les avons invités à donner un concert au cœur du festival, intitulé « Licht und Wunder ». Ce concert est précédé d’une masterclass animée par Bernard Foccroulle et Reinoud Van Mechelen, et dans la lignée du programme "Musica Poetica", que ces deux musiciens d’exception donneront autour des grands noms de la musique renaissante italienne et allemande (Monteverdi, Frescobaldi, Bach, Buxtehude,…). Nous prolongerons la thématique lors du concert de clôture du festival, "Fiat Lux", où je chanterai avec les organistes Benoît Mernier, Cindy Castillo et Roland Servais dans une envolée lumineuse vers la musique de création, tant à travers des transcriptions de mélodies françaises que des créations contemporaines d'œuvres de Jean-Pierre Deleuze et Adrien Tsilogiannis, pour voix et organetto, qui donneront la part belle à la berceuse et au chant traditionnel. 

Cyril Guillotin, musiques et poésies

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Le pianiste Cyril Guillotin propose un album qui met en relief le Livre 1 des Préludes de Debussy et 4 des Préludes de la compositrice contemporaine Françoise Choveaux. Mais ce double album Calliope met en miroir ces œuvres de Debussy avec une belle sélection de poèmes énoncés par le comédien François Marthouret. 

Vous proposez un album qui propose le Livre 1 des Préludes de Debussy et 4 des Préludes de la compositrice contemporaine Françoise Choveaux. Pourquoi une telle confrontation musicale ?

À la place de confrontation, je parlerais plutôt de filiation et de continuité dans la manière d'appréhender la substance sonore "palpable" et "impalpable". Comme beaucoup de monde, je connais la musique des Préludes de Debussy depuis mon enfance, avec des présentations interprétatives variées et de grande qualité, mais cependant ne me rassasiant pas en totalité, souvent par une conception à mon goût uniforme, trop unitaire, concrète, matérielle, normative de chaque prélude. Pour moi, pour une raison que je ne m'explique pas, cette musique a toujours représenté un monde empruntant à l'impalpable, au translucide, à l'immatériel, de l'ordre de l'idée et de la sensation, plutôt que de l'acte émotif. J'ai retrouvé ces similitudes conceptuelles dans la musique de Françoise Choveaux.

 Si on connaît très bien les Préludes de Debussy, on connaît mal les œuvres de Françoise Choveaux. Comment pouvez-vous définir sa musique ?

 La musique de Françoise Choveaux gagne à être connue, tant par sa variété que son étendue, et sa qualité bien sûr. C'est une musique faite de lumières, d'odeurs, éprise de nature, mais aussi tellurique parfois, et toujours profondément authentique. Elle touche au cœur avec franchise, et c'est ce qui me plaît ! Ayant été une brillante pianiste elle-même, Françoise Choveaux sait comment exploiter toutes les ressources de notre piano moderne, tout comme Debussy avant elle. Dès les premières notes de musique, on est transporté dans l'univers choisi, pas de chichi ni de blabla inutile, le message est tout de suite captable. C'est une musique qui s'écoute, mais surtout qui se vit.

La sélection du mois d'Octobre de Crescendo Magazine

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On commence ce parcours avec le concert du festival Voce & Organo dont le concert du 1er octobre propose une affiche de prestige avec Bernard Foccroulle (orgue) et Reinoud van Mechelen (ténor) avec une affiche plantureuse : Frescobaldi, Monteverdi, Froberger, Sances, Schütz, Weckmann, Buxtehude, Bach. Ce concert, en co-organisation avec le festival Voix en ville animé par Clara Inglese dont vous avez pu lire des articles sur Crescendo Magazine, se déploie avec brio en ce début octobre. 

A Bruxelles, La Monnaie fait l'évènement avec deux belles affiches, les Concertos Brandebourgeois de Bach chorégraphiés par Anne Teresa De Keersmaeker (du 1/10 au 06/10), mais surtout les représentations en concert de l’opéra De Kinderen der Zee de Lodewijk Mortelmans sous la direction d’Alain Altinoglu (17/10 au 20/10). 

A Namur, le Namur Concert Hall accueillera le Belgian National Orchestra pour un concert avec le Chant de la Terre de Gustav Mahler. Le directeur musical sortant Hugh Wolff accompagnera deux grands chanteurs : la mezzo soprano Michelle DeYoung, et le ténor Ben Gulley (23/10). Ce concert du BNO est également proposé à Bozar (22 et 24 octobre).  

A Tourcoing, l’Atelier lyrique propose un concert Vivaldi / Bach avec l’Orchestre Les Ambassadeurs - La Grande Écurie sous la direction d’Alexis Kossenko avec Alex Potter en soliste (église du Sacré Coeur de Marcq-en- Baroeul le 8 octobre) et on ne manquera pas une version de concert de l'Orpheus de Telemann avec les Belges de B’ROCK Orchestra & Vocal Consort (28/10) sous la direction de René Jacobs. 

Sans aucun filtre : la Forza del destino à Liège

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La Forza del Destino, telle qu’elle est représentée à l’Opéra de Liège en ouverture de la saison, est typique d’une certaine façon d’entretenir la pérennité d’un genre qui ne cesse d’exalter ses spectateurs. Une intrigue (plutôt) compliquée, des personnages déchirés, des airs fastueux dans le bonheur ou le désespoir, un chef attentif et précis, une discrétion scénique sans filtre qui laisse toute leur place aux voix.

C’est en 1862, à Saint-Pétersbourg, et en 1869, à Milan, enrichie alors de sa fameuse ouverture, que l’œuvre est successivement créée. Elle a ému, elle a exalté, elle ne cesse d’émouvoir, elle ne cesse d’exalter. C’est qu’elle porte bien son titre : ce qui est à l’œuvre là, et dans toute sa force, c’est le destin, fatal évidemment. On ne cesse de le répéter d’ailleurs, j’ai vite abandonné de compter le nombre de fois où les personnages en soulignent la présence et les effets dévastateurs.

Don Alvaro et Donna Leonora de Vargas s’aiment d’un amour contrarié, ils veulent s’enfuir. Surgit le père de Leonora. Un geste malheureux d’Alvaro, un coup de feu accidentel, le père est mortellement touché. De quoi susciter un désir irrépressible de vengeance chez Don Carlo di Vargas, le frère de Leonora. Une vendetta dont les épisodes emmèneront le spectateur dans une auberge, un couvent, une église, un champ de bataille, un camp militaire, le couvent de nouveau et une grotte d’ermite. La complexité de l’intrigue prouve à merveille que le destin ne se fatigue jamais ! De plus, contrairement à d’autres opéras de Verdi, comme Otello par exemple, l’intrigue ne se concentre pas uniquement sur ses héros, elle accorde pas mal de place à des personnages annexes : le Père Guardiano, l’imposant supérieur du couvent, Fra Melitone, un moine jaloux et drôlement colérique, Preziosilla, une bohémienne à la Carmen, Trabuco, un muletier affairiste. Ils ont leurs moments. En fait, ils sont une façon -shakespearienne- pour Verdi et son librettiste d’aérer leur terrible propos, de le ramener « au niveau du sol », avant de lui rendre toute son intensité.