Christophe Hénault, servir le patrimoine de l’enregistrement 

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Christophe Hénault est l’un des plus grands spécialistes mondiaux du patrimoine sonore. Dans son studio d’Annecy, il œuvre sans relâche à la restauration sonore des enregistrements. Il est naturellement la cheville ouvrière de l’édition définitive des enregistrements officiels de Wilhelm Furtwängler (Warner). Cette parution est l’occasion d’évoquer ce travail de haut vol, absolument indispensable à la réussite de ce superbe coffret qui fera date. 

La période de ces enregistrements est comprise entre 1926 et 1954. Sur cette période de près de 30 ans, la technique d'enregistrement a considérablement évolué. Quels sont les défis techniques par rapport à cette évolution technique au regard de votre travail de remastérisation ? 

 En effet, 1926 correspond au début de l'enregistrement électrique, et 1954 à la fin des enregistrements uniquement mono. On peut donc en effet suivre les évolutions techniques sur presque 30 ans. De plus, le support utilisé n'est pas le même pour un enregistrement des années ‘30 (78 tours) et celui des années ‘50 (bande magnétique). Le travail le plus important à mon avis a été de chercher la meilleure source possible pour chaque enregistrement. Les défis techniques sont multiples. Il existe de nos jours de nombreux outils de restauration sonore, qu'il faut utiliser en respectant toujours les caractéristiques et les qualités du document d'origine

 La diversité des sources sonores de base est très différente. A partir de quels supports avez-vous travaillé ? 

 Pour les enregistrements d'avant 1949, nous avions parfois le choix entre les copies sur bandes des mères métal (copies réalisées en général durant les années ‘70) et divers pressages de 78 Tours du commerce (pressages allemands, français, anglais, américains, …). Il n’y a pas de règle et il faut tout écouter et choisir ! Par exemple, pour l'enregistrement de 1937 de la Symphonie n°9 de Beethoven (datée du 1er mai 1937, enregistrée au Queen’s Hall de Londres et proposée sur le CD n°5), nous avons eu la chance de trouver des pressages vinyles neufs réalisés à partir des bandes mères métal originales. A partir de fin 1949, nous avons recherché le maximum de bandes magnétiques conservées aux archives Warner et Universal. Ce qui nous a par exemple permis de trouver les bandes des séances de janvier et de février ‘50. En général, ce sont les bandes de première génération qui ont été utilisées. A part quelques exceptions, les bandes du début des années ’50 sont d'une qualité exceptionnelle, plus de 70 ans après !

Et ces recherches nous ont également permis de rétablir des vérités sur la discographie de Furtwängler.

Furtwängler en intégrale 

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The Complete Wilhelm Furtwängler on Record. Berliner Philharmoniker, London Philharmonic Orchestra, Lucerne Festival Orchestra, Philharmonia Orchestra, Wiener Philharmoniker, Wilhelm Furtwängler.  Notice de présentation en français, allemand et anglais. Enregistrements entre 1927 et 1954. 1 coffret de 55 CD Warner Classics. 01900295232405.

Anthony Collins, pas seulement pionnier de Sibelius

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Anthony Collins - Intégrale des Enregistrements Decca. Œuvres de Georges Bizet (1838-1875), Anthony Collins (1893-1963), Frederick Delius (1862-1934), Sir Edward Elgar (1857-1934), Henry Balfour Gardiner (1877-1950), Percy Grainger (1882-1961), Engelbert Humperdinck (1854-1921), Felix Mendelssohn (1809-1847), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Niccolò Paganini (1782-1840), Sergueï Rachmaninov (1873-1943), Jean Sibelius (1865-1957), Richard Strauss (1864-1949), Sir Arthur Sullivan (1842-1900), Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893), Ralph Vaughan Williams (1872-1958), Sir William Walton (1902-1983). Dame Edith Sitwell et Sir Peter Pears, récitants. Gervase de Peyer, clarinette ; Henri Helaerts, basson. Ruggiero Ricci, violon. Moura Lympany, Friedrich Gulda, Peter Katin, piano. London Mozart Orchestra, London Symphony Orchestra, London Philharmonic Orchestra, New Symphony Orchestra of London, London Promenade Orchestra, English Opera Group Ensemble, direction : Anthony Collins. Enregistré entre le 28 mai 1945 et le 6 décembre 1956 aux Studios Decca, West Hampstead ; Kingsway Hall ; Carlton Rooms, Maida Vale, Londres. 14 h 52 min. Édition 2021. Livret en anglais. 1 coffret 14 CD Decca « Eloquence » 4841467.

Genève s’enthousiasme pour Guerre et Paix

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Après plusieurs mois où le streaming a remplacé les représentations en public, Aviel Cahn prend le parti d’ouvrir la saison 2020-2021 du Grand-Théâtre de Genève avec l’une des œuvres majeures du XXe siècle qui n’a jamais été représentée sur une scène suisse, Guerre et Paix de Sergey Prokofiev. 

L’on sait les vicissitudes que ce monumental ouvrage a connues depuis la composition qui s’est étagée d’avril 1941 à mars 1943, les exécutions partielles en concert, une version tronquée en huit scènes présentée au Théâtre Maly de Leningrad le 12 juin 1946 et finalement la création de la version complète en 13 tableaux donnée au Théâtre Bolchoi de Moscou le 15 décembre 1959 avec Galina Vishneskaya, Yevgeny Kibkalo, Irina Arkhipova, Alexei Maslennikov, Alexander Vedernikov et Pavel Lisitsian sous la direction d’Alexander Melik Pashayev. Depuis ce moment-là, Guerre et Paix s’est révélé au public international par la production de Graham Vick pour le Marinsky de Saint- Pétersbourg que Valery Gergiev a proposée un peu partout et celle de Francesca Zambello que l’Opéra Bastille a affichée en mars 2000.

Pour cette première suisse, la direction du Grand-Théâtre de Genève a frappé un grand coup en faisant appel à Calixto Bieito dont la réputation sulfureuse est liée à ses politiciens siégeant sur les toilettes au début d’Un Ballo in Maschera ou à son Don Giovanni, bête sexuelle hantant les bars louches. Donc avec une certaine appréhension, l’on attend le lever de rideau…et nous voilà dans un boudoir damassé rouge lambrissé or que la scénographe Rebecca Ringst a calqué sur l’appartement de Maria Alexandrovna au Palais de l’Ermitage. Sous de vastes surfaces plastifiées se profile une faune d’aristocrates dégingandés années soixante (costumés par Ingo Krügler) qui semble engluée dans un cauchemar. Selon les propos du metteur en scène, ces êtres luttent contre l’inconnu parce qu’ils ressentent en eux l’insécurité. Le monde qui les entoure n’est que négativisme et décadence. Ce parti pris fait table rase de tout ce qui pourrait édulcorer cette inexorable marche vers l’anéantissement. Ainsi Natacha Rostova perd sa candeur de provinciale pour devenir une adolescente délurée telle une Salomé de salon qui attise la convoitise des hommes. Le Prince Andrey Bolkonsky, désabusé à la suite de son veuvage, ose s’en approcher et s’en éprend. Mais la valse qui devrait les unir exprime leur névrose commune et se désarticule en soubresauts du dernier grotesque qui se répandent dans l’assemblée. Le rejet d’une union par le vieux Bolkonsky accélère la chute de la jeune fille humiliée qui finira par céder aux avances d’Anatole Kouraguine, fieffé coquin déjà marié, que chassera le compatissant Pierre Bezoukhov. Au lieu de nous transporter sur le champ de bataille de Borodino, la deuxième partie montre l’effondrement de cette société dégénérée dans le palais qui s’écroule sous les coups de canon. En un continuel va-et-vient, s’y succèdent les troupes russes ramenant le Prince Andrey qui se tresse la couronne d’épines du martyr et l’armée française commandée par un Napoléon qui perd pied devant une gigantesque maquette de la ville de Moscou et de son théâtre qu’une force supérieure détruira. Mais c’est au peuple russe que le Maréchal Koutouzov donnera la victoire.

Beethoven Celtique à Rennes

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Lorsqu’un magicien à la flûte celtique reprend les thèmes beethoveniens, le public n’a qu’à le suivre. S’agit-il d’un autre hommage rendu à Beethoven ? Visiblement non, car le symbole même de la culture germanique n’est ici qu’un point de départ pour une odyssée autour de la culture celte.

Le plus cosmopolite des orchestres français, l’Orchestre National de Bretagne (ONB) a démarré sa nouvelle saison au son des danses celtiques. Sous la direction de Grant Llewellyn, Carlos Núñez, cornemuses et flûtes celtiques, ainsi que le baryton basse Bryn Terfel ont envoûté la musique de Beethoven, trop souvent associée aux héroïsmes. Justement, ce n’est pas le caractère teutonique, mais bien les délicieuses sonorités folkloriques qui ont donné le ton de la soirée. 

Après des mois de silence, l’ONB a réveillé son public en déconstruisant le rite sacré qu’est l’exécution d’une symphonie sans interruption et sans applaudissement entre les mouvements. Divisé en quatre groupes géographiques (Irlande, Écosse, Pays de Galles et Bretagne) dont chacune contenait un mouvement de la 7e Symphonie, le concert a posé son regard sur le lien unissant Beethoven et le monde celtique. Pour une fois, le public n’a pas été jugé à cause de son enthousiasme exprimé par des ovations. En effet, les trois volets d’Omaggio de Benoît Menut sont venus se glisser à la fin de chaque mouvement de la 7e Symphonie, qualifiée par Richard Wagner de « l’apothéose de la danse ». En partant des thèmes, des rythmes et des idées orchestrales de Beethoven, Omaggio a prolongé l’expérience beethovenienne en l’enveloppant dans des sonorités plus contemporaines. Une vraie extension d’une symphonie en forme plus concise.

Les Suites pour viole de Couperin, peintes à fresque

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Secrets de Roy. François Couperin (1668-1733) : Pièces de Violes avec la basse chiffrée. Les Idées Heureuses ; La Mézangère ; Le Tic-Toc Choc ou les Maillotins ; La Chazé ; Les Sylvains ; La Ménétou ; La Séduisante ; Le Dodo ou l’Amour au Berceau (transcriptions). Mathilde Vialle, Louise Bouedo-Mallet, violes de gambe. Thibaut Roussel, théorbe, guitare baroque. Sébastien Daucé, clavecin. Juin 2019. Novembre 2019. Livret en français, anglais, allemand. TT 66’51. CVS 035

Gidon Kremer, le voyageur musical inattendu 

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Gidon Kremer, The Warner Collection. Complete Teldec, Emi Classics & Erato Recordings.  Gidon Kremer, violon ; Martha Argerich, Andrei Gavrilov, Oleg Maisenberg, Vadim Sakharov, pianos ; Yuri Bashmet, alto ; Clemens Hagen et Mstislav Rostropovitch, violoncelles ; Berliner Philharmoniker, Chamber Orchestra of Europe, City of Birmingham Symphony Orchestra, Deutsche Kammerphilharmonie, Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Hallé Orchestra, Kremerata Baltica, Münchner Philharmoniker,  NDR-Sinfonieorchester Hamburg, Philharmonia Orchestra, Royal Concertgebouw Orchestra, Andrey Boreyko, Christoph Eschenbach, Nikolaus Harnoncourt, Herbert von Karajan, Roman Kofman, Riccardo Muti, Kent Nagano, Sir Simon Rattle. 1976-2006. Notice en anglais, allemand et français.  1 coffret de 22 CD Warner. Warner 0 190295 116422.        

Regards de femmes, un panorama pianistique de Marie-Catherine Girod

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Regards de femmes. Louise Farrenc (1804-1875) : « Les Italiennes », Variations sur la cavatine de Norma, op. 14. Hélène de Montgeroult (1764-1836) : Sonate en fa mineur op. 5, finale. Anna bon di Venezia (c. 1739-1767) : Sonate pour clavecin en sol op. 2 n° 1. Amy Beach (1867-1944) : Dancing Leaves op. 102 n° 2 ; Scottish Legend op. 54 n° 1. Agathe Backer Grøndahl (1847-1907) : Pièce op. 19 n° 2. Clara Schumann (1819-1896) : Romance op. 21 n° 1. Fanny Hensel Mendelssohn (1805-1847) : 4 Lieder op. 8 : Wanderlied. Ethel Smyth (1858-1944) : Variations on an Original Theme (of an Exceedingly Dismal Nature). Mel Bonis (1858-1937) : Femmes de légende : Mélisande. Jeanne Barbillion (1895-1992) : Provence – I : Bord de mer le soir et II : Fête de soleil. Lili Boulanger (1893-1918) : D’un vieux jardin. Henriëtte Bosmans (1895-1952) : Six Préludes. Germaine Tailleferre (1892-1983) : Impromptu. Cécile Chaminade (1857-1944) : Toccata op. 39. Maria Hester Park (1760-1813) : Sonate op. 4 n° 1 : Menuet. Emilie Zumsteeg (1796-1857) : Polonaise n° 3. Clara Gottschalk Peterson (1837-1919) : Staccato Polka. Marie-Catherine Girod, piano. 2020. Notice en français, en anglais et en allemand. 79.00. Mirare MIR574.