Beethoven Celtique à Rennes

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Lorsqu’un magicien à la flûte celtique reprend les thèmes beethoveniens, le public n’a qu’à le suivre. S’agit-il d’un autre hommage rendu à Beethoven ? Visiblement non, car le symbole même de la culture germanique n’est ici qu’un point de départ pour une odyssée autour de la culture celte.

Le plus cosmopolite des orchestres français, l’Orchestre National de Bretagne (ONB) a démarré sa nouvelle saison au son des danses celtiques. Sous la direction de Grant Llewellyn, Carlos Núñez, cornemuses et flûtes celtiques, ainsi que le baryton basse Bryn Terfel ont envoûté la musique de Beethoven, trop souvent associée aux héroïsmes. Justement, ce n’est pas le caractère teutonique, mais bien les délicieuses sonorités folkloriques qui ont donné le ton de la soirée. 

Après des mois de silence, l’ONB a réveillé son public en déconstruisant le rite sacré qu’est l’exécution d’une symphonie sans interruption et sans applaudissement entre les mouvements. Divisé en quatre groupes géographiques (Irlande, Écosse, Pays de Galles et Bretagne) dont chacune contenait un mouvement de la 7e Symphonie, le concert a posé son regard sur le lien unissant Beethoven et le monde celtique. Pour une fois, le public n’a pas été jugé à cause de son enthousiasme exprimé par des ovations. En effet, les trois volets d’Omaggio de Benoît Menut sont venus se glisser à la fin de chaque mouvement de la 7e Symphonie, qualifiée par Richard Wagner de « l’apothéose de la danse ». En partant des thèmes, des rythmes et des idées orchestrales de Beethoven, Omaggio a prolongé l’expérience beethovenienne en l’enveloppant dans des sonorités plus contemporaines. Une vraie extension d’une symphonie en forme plus concise.

Les Suites pour viole de Couperin, peintes à fresque

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Secrets de Roy. François Couperin (1668-1733) : Pièces de Violes avec la basse chiffrée. Les Idées Heureuses ; La Mézangère ; Le Tic-Toc Choc ou les Maillotins ; La Chazé ; Les Sylvains ; La Ménétou ; La Séduisante ; Le Dodo ou l’Amour au Berceau (transcriptions). Mathilde Vialle, Louise Bouedo-Mallet, violes de gambe. Thibaut Roussel, théorbe, guitare baroque. Sébastien Daucé, clavecin. Juin 2019. Novembre 2019. Livret en français, anglais, allemand. TT 66’51. CVS 035

Gidon Kremer, le voyageur musical inattendu 

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Gidon Kremer, The Warner Collection. Complete Teldec, Emi Classics & Erato Recordings.  Gidon Kremer, violon ; Martha Argerich, Andrei Gavrilov, Oleg Maisenberg, Vadim Sakharov, pianos ; Yuri Bashmet, alto ; Clemens Hagen et Mstislav Rostropovitch, violoncelles ; Berliner Philharmoniker, Chamber Orchestra of Europe, City of Birmingham Symphony Orchestra, Deutsche Kammerphilharmonie, Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Hallé Orchestra, Kremerata Baltica, Münchner Philharmoniker,  NDR-Sinfonieorchester Hamburg, Philharmonia Orchestra, Royal Concertgebouw Orchestra, Andrey Boreyko, Christoph Eschenbach, Nikolaus Harnoncourt, Herbert von Karajan, Roman Kofman, Riccardo Muti, Kent Nagano, Sir Simon Rattle. 1976-2006. Notice en anglais, allemand et français.  1 coffret de 22 CD Warner. Warner 0 190295 116422.        

Regards de femmes, un panorama pianistique de Marie-Catherine Girod

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Regards de femmes. Louise Farrenc (1804-1875) : « Les Italiennes », Variations sur la cavatine de Norma, op. 14. Hélène de Montgeroult (1764-1836) : Sonate en fa mineur op. 5, finale. Anna bon di Venezia (c. 1739-1767) : Sonate pour clavecin en sol op. 2 n° 1. Amy Beach (1867-1944) : Dancing Leaves op. 102 n° 2 ; Scottish Legend op. 54 n° 1. Agathe Backer Grøndahl (1847-1907) : Pièce op. 19 n° 2. Clara Schumann (1819-1896) : Romance op. 21 n° 1. Fanny Hensel Mendelssohn (1805-1847) : 4 Lieder op. 8 : Wanderlied. Ethel Smyth (1858-1944) : Variations on an Original Theme (of an Exceedingly Dismal Nature). Mel Bonis (1858-1937) : Femmes de légende : Mélisande. Jeanne Barbillion (1895-1992) : Provence – I : Bord de mer le soir et II : Fête de soleil. Lili Boulanger (1893-1918) : D’un vieux jardin. Henriëtte Bosmans (1895-1952) : Six Préludes. Germaine Tailleferre (1892-1983) : Impromptu. Cécile Chaminade (1857-1944) : Toccata op. 39. Maria Hester Park (1760-1813) : Sonate op. 4 n° 1 : Menuet. Emilie Zumsteeg (1796-1857) : Polonaise n° 3. Clara Gottschalk Peterson (1837-1919) : Staccato Polka. Marie-Catherine Girod, piano. 2020. Notice en français, en anglais et en allemand. 79.00. Mirare MIR574.

L’Automne musical de Spa 2021, 35e édition

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La 35e édition de L’Automne musical de Spa (25 septembre-20 novembre) réserve le meilleur de la musique. Au programme de cette édition, des répertoires festifs empreints de musique populaire et de musiques du monde. La saveur des œuvres majeures de la musique baroque sera également assurée par des ensembles parmi les plus prestigieux du monde musical actuel sur le plan international. Et, comme à l’accoutumée, notre programmation accorde une place aux musiciens de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

La musique ancienne et la musique du monde seront illustrées par Laterna Magica dans un récital intitulé « Orient-Occident ». Au son de la flûte de Laura Pok et de Nathalie Houtman se côtoieront les danses médiévales et les musiques orientales, rythmées par les percussions d’Ariane de Bièvre.

La Fenice, sous la direction de Jean Tubéry, évoquera la nature avec un répertoire de musique descriptive intitulé « Natura amorosa ou l’éveil des sens dans la nature dans le printemps baroque ». Les œuvres de Janequin, Van Eyck, Merula, Monterdi, Arcadelt illustreront une nature à la fois « enjouée, fantasque, méditative et paisible ».

Présent pour la première fois à l’affiche du festival, Le Banquet Céleste fera revivre le Stabat Mater d'A. Scarlatti et les plus belles cantates (82 et 84) de J.S. Bach avec les voix de Damien Guillon et notre compatriote Céline Scheen.

Autre grand moment, le concert intitulé « Beauté barbare » proposé par les Musiciens de Saint-Julien. Le récital aura pour thème des œuvres collectées par G. Ph. Telemann lors d’un séjour en Pologne. François Lazarevitch signe un menu composé de danses polonaises et de musiques populaires de l’Europe de l’Est, épicées comme il en a le secret, des sonorités du cymbalum, de la petite flûte serbe ou de la cornemuse.

Retour en pays lointains avec La Chimera, dirigée par Edouardo Eguez, dans un programme « Gracias a la vida ». Ce programme, particulièrement festif, célèbrera les musiques des différents peuples qui ont construit l’Amérique. Depuis ses origines avec des hommages aux territoires Incas et du folklore de Bolivie, d’Argentine, du Pérou...

Une « Carte blanche » sera réservée au Collegium Musicum (Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles, direction Bernard Woltèche), ambassadeur de l’une de nos meilleures institutions musicales pour un programme autour de Vivaldi, Haendel et Porpora.

Il reviendra au Ricercar Consort et Philippe Pierlot de clôturer en beauté ce 35e anniversaire avec un concert consacré exclusivement à Claudio Monteverdi, ses balli et son célèbre Il Combattimento di Tancredi e Clorinda.

Une édition, gage de moments enivrants aux rythmes des feuilles tourbillonnantes du prochain « Automne musical de Spa » !

Rendez-vous dès le samedi 25 septembre (19 h - Château du Haut-Neubois) avec Laterna magica (Laura Pok, Nathalie Houtman et Ariane De Bièvre). Duo de flûtes à bec et percussions. Musiques d’Occident et d’Orient : rencontre des musiques médiévales et orientales.

Le site de l'Automne musical de Spa : www.automnemusical.com

François-Xavier Roth, Saint-Saëns et l'Atelier lyrique de Tourcoing 

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Le chef d’orchestre François-Xavier Roth est le récipiendaire d’un International Classical Music Awards 2021 pour son enregistrement de l’opéra de Camille Saint-Saëns, le Timbre d’argent. Alors que nous célébrons le Centenaire du décès du compositeur, Crescendo-Magazine s’entretient avec le chef d’orchestre sur l’art de ce musicien et les particularités de cet opéra de jeunesse. Nous abordons également son ambition pour l’Atelier lyrique de Tourcoing dont il est le directeur artistique. 

Quelle est pour vous la place de Saint-Saëns dans l’histoire de la musique et de la musique française en particulier ? 

Quand on évoque la figure de Saint-Saëns, c’est quelque chose de singulier dans sa personnalité, son œuvre et dans sa trajectoire. Il est un cas particulier dans l’histoire de la musique française et dans l’histoire du romantisme musical. On pourrait dire qu’il a eu le mauvais goût de vivre trop longtemps. On sait bien que les héros de la composition adulés du public, comme Mozart ou Schubert, ont eu des vies meurtries ou des destins trop courts. Ces aspects composent une sorte de légende avec une œuvre ramassée. Saint-Saëns, c’est l’inverse ! On peut le comparer à Richard Strauss, avec cette traversée des époques ! Dans sa vie, Saint-Saëns a incarné plusieurs compositeurs. Il fut tout d’abord un jeune prodige du piano qui s’empare de toutes les formes musicales dans une sorte de boulimie foisonnante, mais on peut également retenir le compositeur un peu académique qu’il était à la fin de sa vie ou vu comme tel, entrant dans un siècle qui musicalement lui échappait. On peut le rapprocher d’un autre compositeur français : Gossec. Autre musicien avec une vie et une carrière très longue qui lui permet de visiter des époques et des styles différents. Dès lors, c’est un compositeur polymorphe et il est délicat et difficile de le catégoriser sans prendre en compte toutes ses facettes. 

Qu’est-ce qui vous séduit chez Saint Saëns ? 

Je retiens en premier lieu l’inventeur musical quand il écrit la musique merveilleuse des poèmes symphoniques où l’invention musicale et orchestrale est foisonnante et étonnante, avec des emprunts à Wagner et Liszt tout en annonçant Dukas, Debussy ou même Dutilleux. C’est un innovateur à travers ce domaine alors aussi novateur que l’était le poème symphonique On peut aussi retenir l’immense compositeur pour l’art lyrique ! Bien évidemment, on connaît Samson et Dalila, mais il y a de nombreux autres ouvrages de très grande qualité : le Timbre d’argent, mais aussi Ascanio ou la Princesse Jaune. Ce sont des ouvrages qui devraient absolument être à l'affiche plus souvent ! De plus, il ne faut pas oublier son foisonnement créatif dans des genres à la mode comme la musique de chambre, il a composé de nombreuses pièces magistrales dans ses partitions de genre pour instrument avec orchestre à l’image de la Tarentelle en la mineur  pour flûte, clarinette et orchestre ou de l’Odelette en ré majeur pour flûte et orchestre. Une dernière chose qui me touche beaucoup, c’est sa redécouverte de la musique de Rameau, compositeur qu’il aimait particulièrement et à la reconnaissance duquel il a travaillé. 

Matteo Myderwyk, compositeur libre et inspiré

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Le compositeur Matteo Myderwyk sort un premier album pour le label Warner. Avec ce Notes of Longing, il devient le premier compositeur néerlandais signé par la prestigieuse multinationale. Crescendo Magazine rencontre ce créateur d’univers sonores qui aime tout autant Olivier Messiaen que Steve Reich. 

Vous sortez votre premier album pour Warner. Comment l'avez-vous conçu ?

J'ai composé Notes of Longing sur une période de deux ans. Entretemps, j'ai sorti d'autres compositions mais, en arrière-plan, j'ai accordé beaucoup d'attention à ce travail. À partir de l'idée de désir, j'ai essayé de présenter l'ensemble de l'album comme une seule composition. En ce qui me concerne, cela a bien fonctionné. 

Vous êtes le premier compositeur néerlandais contemporain à signer pour ce label. Cela a-t-il une signification particulière pour vous ?

J'en suis certainement fier, mais cela implique aussi un certain degré de responsabilité. Le temps où je sortais n'importe quel morceau de piano est désormais révolu. J'essaie de plus en plus de considérer ma musique comme un compositeur plutôt que comme un pianiste qui enregistre ses propres titres. Cela dit, un label n'est pas non plus la chose la plus importante ; c'est finalement la musique. Que vous sortiez votre musique sur votre propre cassette ou par l'intermédiaire de la plus grande maison de disques, pour moi, vous devez toujours faire entendre votre propre voix. 

Furtwängler compositeur

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Alors que Warner fait paraître l'intégrale des enregistrements studio de Wilhelm Furtwängler, Crescendo Magazine vous propose de relire un texte de Bruno d'Heudières sur l'art de compositeur du maestro. 

Un parcours paradoxal

"Je tiens à dire que j'ai commencé comme compositeur bien avant de diriger, et toute ma vie je me suis considéré comme un compositeur qui dirige mais jamais comme un d'orchestre".

Cette profession de foi de Wilhelm Furtwängler illustre bien la place que tenait dans sa vie son activité de créateur. Celle-ci se trouvera favorisée par des dispositions précoces. En effet, il compose son opus 1 à l'âge de 7 ans. A douze ans, alors qu'il a déjà écrit des pièces pour piano, des Lieder et des oeuvres de musique de chambre, il achève La première nuit de Walpurgis pour chanteurs solistes, deux choeurs et orchestre. Deux ans plus tard, en 1900, le compositeur Josef Rheinberger lui enseigne les règles du contrepoint ; puis c'est enfin Max Von Schillings qui achèvera la formation musicale du jeune compositeur. De la musique de chambre, des essais symphoniques et des oeuvres vocales constituent ainsi l'essentiel de sa production de jeunesse qui s'achève en 1909 avec l'imposant Te Deum pour chanteurs solistes, choeur et orchestre. A cette date, Furtwängler alors âgé de 23 ans délaisse quelque peu la composition au profit de la direction d'orchestre, pour entreprendre le parcours légendaire que l'on connaît. Singulièrement, ce sont des "nécessités alimentaires" qui l'orientent dans cette voie. Il confessera en ce sens : "La direction d'orchestre a été le refuge qui m'a sauvé la vie car j'étais sur le point de périr compositeur".

Son activité au pupitre qui s'intensifie jusqu'au début des années '30 ne lui interdit pas quelques incursions dans le domaine de la composition puisqu'on peut relever une allusion au futur Quintette avec piano en ut majeur dans une lettre qu'il écrit en 1915. En outre, le Concerto symphonique pour piano et orchestre en si mineur est très vraisemblablement en gestation dans les années '20. Quoi qu'il en soit, dès 1932, Furtwängler se remet au travail avec assiduité. Une des périodes les plus difficiles de sa vie commence alors, au moment où le nouveau régime se met en place en Allemagne. En 1935, le compositeur achève son Quintette avec piano. A cette date, ayant démissionné de ses fonctions par hostilité contre les autorités nazies, il compose sa Première sonate pour violon et piano en ré mineur, négligeant ainsi ses oeuvres de jeunesse. C'est donc à 49 ans que Furtwängler entame une nouvelle période créatrice, assurément la plus significative. Il termine la première version de son Concerto symphonique pour piano et orchestre en 1936 et écrit sa Deuxième sonate pour violon et piano en ré majeur trois ans plus tard. Dès lors, c'est exclusivement le répertoire symphonique qu'il abordera, des années de guerre jusqu'à sa mort. Il achève sa Première symphonie en si mineur en 1941, et entame en 1943 l'élaboration de la suivante. Il y travaille lorsque Himmler le soupçonne d'avoir été complice de l'attentat contre Hitler en juillet 1944. Furtwängler se réfugie en Suisse en 1945 pour y achever l'orchestration de sa Deuxième Symphonie en mi mineur. Agé de 60 ans, il commence alors à concevoir sa Troisième Symphonie en Ut dièse mineur, en 1946. Les quatre mouvements sont terminés en 1953. Mais lorsque le compositeur s'éteint le 30 novembre 1954, s'il a pu mettre un terme à la seconde version du Concerto symphonique, il n'a pas parachevé l'allegro assai final de son ultime symphonie.