Ô mon bel inconnu de Hahn-Guitry, une comédie musicale pleine de fraîcheur

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Reynaldo Hahn (1874-1947) : Ô mon bel inconnu, comédie musicale en trois actes. Véronique Gens (Antoinette), Olivia Doray (Marie-Anne), Eléonore Pancrazi (Félicie), Thomas Dolié (Prosper), Yoann Dubruque (Claude), Carl Ghazarossian (Jean-Paul/Hilarion Lallumette), Jean-Christophe Lanièce (M. Victor/Un garçon de magasin) ; Orchestre National Avignon-Provence, direction Samuel Jean. 2019. Livret en français et en anglais. Avec texte intégral de Sacha Guitry. 60.49. Un livre-disque Palazzetto Bru Zane BZ 1043. 

Renée Doria, le chant français à l’état pur     

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Pour le public de l’immédiate après-guerre et pour la presse spécialisée, Renée Doria est la voix de soprano française ayant débuté dans le répertoire léger brillant avant de passer progressivement à des rôles lyriques beaucoup plus corsés. Au premier abord, son rayonnement artistique semble moins international que celui d’une Ninon Vallin ou d’une Régine Crespin. Mais ce timbre limpide aux aigus cristallins, cette diction parfaite, ce souffle inépuisable, cette facilité vocale du la grave au contre-fa, cette intégrité de l’interprète, ce charme, l’imposeront durant trente ans sur les scènes de l’Hexagone et des pays francophones. Si l’on établit le bilan de sa carrière, l’on compte septante-six rôles au théâtre, cent vingt-cinq à la radio où elle prendra part aussi à plus de cinq cents retransmissions, sans parler de nombreux enregistrements discographiques.

Ironie du sort, le 13 février dernier, cette native de Perpignan fêtait son centième anniversaire. Mais elle s’est éteinte trois semaines plus tard, en date du 6 mars 2021, à La Celle-sur-Morin. Son parcours artistique a de quoi surprendre ! Imprégnée de culture catalane, elle étudie, très jeune, le solfège, l’harmonie, le piano et les rudiments du chant auprès d’un musicien local qui accompagne régulièrement Pablo Casals. Ayant auditionné devant Georges Thill, elle suit ses conseils en formant sa voix auprès d’Umberto Valdarnini à Marseille. A dix-sept ans, tandis qu’elle se produit un peu partout dans le Midi avec un groupe d’amis, elle remplace au pied levé une Eurydice malade dans un Orphée de Gluck donné en concert à Prades avec Alice Raveau dans le rôle-titre. Le 18 janvier 1942, l’Opéra de Marseille assiste à ses débuts officiels avec Rosine du Barbier de Séville, suivie, quelques jours plus tard, d’une première Olympia des Contes d’Hoffmann (pour pallier la défaillance de la titulaire) puis d’une première Lakmé. A Cannes, Reynaldo Hahn dirige un Enlèvement au Sérail en français et confie à Renée le rôle redoutable de Constance. D’emblée, tant Lakmé qu’Olympia révèlent son nom à Lyon, Saint-Etienne, Strasbourg, Bordeaux et Vichy, alors que le Capitole de Toulouse applaudit sa composition de la Fée lors de l’exhumation de Cendrillon de Massenet. Durant la saison 1943-1944, c’est toujours Lakmé qui l’impose auprès du public parisien, d’abord au Théâtre de la Gaieté-Lyrique puis à l’Opéra-Comique le 4 mai 1944 sous la direction de Jean Fournet avec Louis Musy dans le rôle de Nilakantha. Dès ce moment-là, elle est sollicitée par la radio nationale pour nombre de productions lyriques et, deux ans plus tard, sa Rosine sera même filmée par la télévision diffusant son premier opéra intégral. 

Le Concert Impromptu : Villa-Lobos et un grand bol d'air de musiques

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Pilier de la scène musicale française, le quintette  à vents le Concert Impromptu fait paraître un superbe album consacré aux oeuvres pour vents d'Heitor Villa-Lobos (Coriolan). Crescendo Magazine rencontre  le flûtiste Yves Charpentier, également fondateur de ce groupe de musiciens qui se plait à ouvrir des horizons et s'affranchir des frontières.

Bien que Francophile et lié à Paris où il a vécu plusieurs années, Heitor Villa-Lobos ne figure que trop rarement au programme des disques et des concerts dans les pays francophones d’Europe, et sa musique de chambre est encore moins connue. Dès lors, qu’est-ce qui vous a poussé à enregistrer cet album qui lui est dédié ? 

Depuis longtemps, nous jouons la musique de Villa-Lobos en concert et le plus souvent par cœur. Pour l’apprendre et la domestiquer, nous avons donc « mastiqué » cette musique et nous l’avons métabolisée d’une façon très vivante grâce au lien entre les œuvres, les interprètes et le public. L’idée d’en graver un album est l’aboutissement naturel de cette expérience.

Villa-Lobos semble avoir un sens naturel pour composer pour les instruments à vents. Est-ce que cette science particulière lui vient de sa connaissance du chôros populaire ? 

Oui, bien sûr, Villa-Lobos ressent l’écriture pour les vents de manière simple, instantanée, sans doute parce qu’il était un peu clarinettiste mais aussi grâce à ses aventures de musicien de rue très tôt dans sa vie : il jouait de la guitare, chantait les fameux Chôros des différentes régions du Brésil, de Rio jusqu’au Nordeste. L’assurance de sa ligne mélodique et son instinct lyrique résultent peut-être aussi de l’alliance secrète entre l’éducation musicale rigoureuse de son père et le désir d’émancipation de Villa-Lobos à la mort de celui-ci.

Lors d’un entretien, le chef d’orchestre brésilien Isaac Karabtchevsky, qui a enregistré les symphonies de Villa-Lobos, nous déclarait que des musiciens brésiliens étaient une valeur ajoutée pour comprendre l’esprit de sa musique “l’interprète ne peut pas se limiter aux notes, il faut trouver ce qui est caché dans cette écriture foisonnante”. Qu’en pensez-vous ?  

Une interprétation de Villa-Lobos par des musiciens brésiliens recèle certainement une aura particulière, due à la compréhension par infusion -par la langue, par le regard, par la danse…- de la cosmogonie du Brésil. Isaac Karabtchevsky nous parle aussi de ce qui est caché dans cette écriture : nous avons en effet recherché les synesthésies, ce qui nous parlait au-delà du solfège et dans la relation de Villa-Lobos à l’écriture sophistiquée de Jean-Sébastien Bach.

Josu de Solau, pianiste 

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Le pianiste Josu de Solaun est lauréat d’un International Classical Music Awards 2021 dans la catégorie “Musique de chambre” pour son enregistrement avec la violoniste Franziska Pietsch. Leur album “Fantasque” propose des sonates de Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel et Francis Poulenc. Florica Jalba, de Radio Romania Muzical, membre du jury des ICMA, a réalisé l'interview suivante avec ce musicien. 

Tout d'abord, félicitations pour le prix ! Je pense que c'est une très bonne nouvelle pour vous dans cette période difficile que nous traversons.

Oui, exactement. Pendant cette période, toute bonne nouvelle prend une signification particulière, elle vaut beaucoup plus et je suis très heureux de ce prix. Pour n’importe quel musicien, recevoir un prix dans les circonstances actuelles donne l'espoir d'aller de l'avant, vers un avenir meilleur.

Comment avez-vous choisi le programme de ce disque -quatre sonates pour violon et piano de quatre compositeurs français ?

Je me suis toujours senti très proche de la musique française. J’en suis tombé amoureux dès mes études, en Espagne. Et particulièrement les œuvres que ma partenaire de duo et moi-même avons choisies pour ce disque. Nous voulions que ce soit complètement différent de notre précédent album qui était consacré à Strauss et Chostakovitch. Ici, on trouve de la parodie, du sarcasme, mais aussi de la tendresse et une belle richesse de couleurs. Rien ne pouvait être plus différent que de la musique française et, compte tenu de mes préférences personnelles, cela s'est avéré le choix parfait.

Dossier Puccini (III) : Puccini et les femmes

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Nouvelle étape de notre dossier Puccini avec un article d'Erna Metdepenninghen sur le compositeurs et les femmes.

La première femme qui a joué un rôle important dans la vie de Puccini est sa mère, Albina Magi-Puccini. Giacomo était son préféré et un lien très fort unissait la mère et le fils. Toute sa vie, Puccini a parlé de sa mère avec beaucoup de tendresse et leur relation a marqué la psychologie de l’artiste.

La seconde était Elvira Gemignani, née Bonturi, l’épouse d’un ancien ami d’école et mère de deux enfants qui, à l’âge de vingt-quatre ans, quitta son mari pour vivre avec Puccini à Milan et qui, après la mort de son mari, devint officiellement Madame Puccini. Il semble que la jeune Elvira ait été une vraie beauté, une apparition imposante, mais elle ne jouissait pas du caractère ensoleillé qui aurait pu adoucir ses traits sévères. On s’accorde à dire qu’elle n’était pas facile à vivre, obstinée, assertive, entêtée et très consciente de sa position de femme d’un homme célèbre. Ses réactions étaient souvent imprévisibles et ses remarques blessantes. Les pêcheurs superstitieux de Torre del Lago étaient d’ailleurs convaincus qu’elle avait “le mauvais oeil”. Elle n’avait jamais pu se détacher de ses origines petites-bourgeoises comme Puccini l’avait fait ; elle avait l’esprit étroit et ne semblait intéressée que par son ménage. Elle était une épouse fidèle et une mère dévouée que ses enfants adoraient, surtout Tonio, le fils qu’elle eut avec Puccini. Il est vrai que son rôle d’épouse n’était pas aisé car, malgré ses multiples qualités charmantes, le compositeur était un homme avec qui il était difficile de vivre au quotidien. Puccini n’était pas du tout enclin à faire d’Elvira une vraie partenaire de sa vie créative ; et puis, il y avait ses multiples aventures amoureuses et la jalousie maladive d’Elvira.

Une lettre de Puccini datée du 30 août 1915 témoigne de cette jalousie : Tes soupçons t’inspirent les investigations les plus indignes. Tu inventes des femmes pour assouvir ton instinct de policier. Tout te paraît sérieux, grand et important tandis que ce n’est rien, négligeable... Tu n’as jamais regardé ces choses comme le font d’autres femmes qui sont plus raisonnables... Tu t’imagines des relations importantes. En réalité, ce n’est rien d’autre qu’un sport que tous les hommes pratiquent dans une certaine mesure sans pour cela sacrifier la chose sérieuse et sacrée : la famille... Ne me pousse pas à haïr ma maison mais, au contraire, que j’y trouve joie et calme au lieu de cette irritation continue et décourageante... La femme d’un artiste a une autre tâche que les femmes d’hommes ordinaires. C’est quelque chose que tu n’as jamais voulu comprendre. Oui, tu ricanes même quand le mot “art” est prononcé. Cela m’a toujours offensé et cela continue à m’offenser. Moi, plus que toi, je cherche la paix. Mon ambition est de mener et finir avec toi une vie qui aurait été moins difficile si tu avais vu plus clair et avais eu plus de bon sens. Au revoir. Je t’embrasse. Reste calme. Attends-moi. Je serai toujours ton Topizio (Topizio, “petite souris”, était le petit nom tendre que Giacomo utilisait dans les premiers jours de leur idylle, comme “Topizia”).

Dossier Puccini (II) : Puccini et la couleur locale

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Suite de notre dossier consacré à Puccini et publié dans les anciens numéros de Crescendo Magazine. Le regretté Bruno Peeters nous parle du compositeur et de la couleur locale.

L’immense célébrité de Puccini, jamais démentie, repose sur plusieurs éléments. On pointera évidemment la désarmante séduction mélodique de ces airs qui se gravent immédiatement dans la mémoire. Ainsi la présentation de Rodolfo dans La Bohème, ou le grand air de Butterfly. On notera ensuite la parfaite adéquation entre la musique et le drame, touche réservée aux plus grands. Tels les cinq accords parfaits qui ouvrent Tosca, l’entièreté du Tabarro ou tout le premier acte de Turandot. Mais il y a un troisième élément, moins souvent mis en évidence, qui me paraît tout aussi important et lié au second. Cette union entre musique et drame provient de l’infaillible sens dramatique de Puccini, certes, sensible dès Manon Lescaut, mais aussi d’un souci très remarquable de l’atmosphère, de l’ambiance, du climat, souci éminemment moderne, et que l’on pourrait rapprocher de l’art cinématographique.

Cette attraction vers la couleur à donner n’est certes pas l’apanage du musicien lucquois, et d’autres avant lui l’ont également appliquée : en France par exemple, où Massenet alla visiter le Jardin des Plantes avant de décrire une bataille de singes dans Bacchus ou, moins anecdotique, Gounod composant sa Mireille en Provence, aux côtés du poète Frédéric Mistral. Mais il y a plus que cela, bien sûr. La couleur locale aide à circonscrire une ambiance, non pas à la créer véritablement. C’est ici qu’intervient le génie de l’auteur, comme nous allons rapidement tenter de le percevoir durant cette petite ballade au coeur du monde puccinien.

Streamings de la semaine : Cologne, Lille et Toulouse

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Ce parcours hebdomadaire commence à Cologne avec le chef d'orchestre Fabien Gabel au pupitre de l'Orchestre du Gürzenich de Cologne dans un superbe programme qui nous propose la suite de Much Ado about Nothing de Korngold, Parade de Frank Peschi et la rare mais somptueuse Kammersinfonie de Franz Schreker. L'orchestre et le chef sont rejoints par la violoniste Vilde Frang pour le Concerto pour violon de Stravinsky dans une interprétation ébouriffante.

A Lille, l'Orchestre national de Lille était dirigé par Jan Willem de Vriend pour la Marche funèbre de Cherubini et la Symphonie n°3 "Héroïque" de Beethoven.

Toulouse bat au rythme des Musicales Franco-Russes, le concert d'ouverture proposait une soirée 100% Prokofiev avec la pétaradante suite tirée de Lieutenant Kijé et la démonstrative Symphonie n°5. L'excellent Kirill Karabits dirigeait l'Orchestre National du Capitole de Toulouse.